A propos

Ses premiers souvenirs remontent à il y a cinq ans. Une chambre d'hopital, une main tendue devant des yeux qui peinent à ciller tellement ils lui semblent secs et collés. Branché de partout, la panique quand il se rends compte que des tuyaux obstruissent sa gorge et ses narines. Ce hurlement qui lui traverse le crane au lieu de pouvoir sortir par sa bouche. Puis les bips assourdissant des machines alors que son cerveau se remet en marche après un rebboot sévère. Les voix des infirmières et médecins qui se précipitent à son chevet, cette nausée et ces haut le coeur suivit de rien du tout faute d'avoir l'estomac plein alors qu'on retire la sonde gastrique.

La douleur dans ses membres, la souffrance dans son corps, l'incompréhension de l'endroit où il se trouve, l'absence de qui il est. Le vide, le neant quand il cherche quelque chose à quoi se raccrocher pour lui dire ce qu'il est, qui il est ou pourquoi il se trouve là. L'amertume de constater que de bêtes leçons ont intégrer son cerveau comme des formules de chimie ou de mathématique alors que ce qu'il cherche c'est un visage familier autre que celui des blouses blanches qui se bousculent à son chevet.

Puis la batterie de tests, pour savoir pourquoi il ne se souvient pas. On ne veut pas lui donner de réponses trop vite, il est si fragile et doit d'abord faire sa réeducation alors qu'un psy le prends en charge. On le forge et le façonne, lui redonne aspect humain. Il apprends pour l'accident d'avion dont il est le seul survivant, le choc violent à sa tête qui explique cette cicatrice sur son front et qui courre sur son cuir chevelu. Les multiples fractures, brisures de ses membres, les brulures aussi qui cicatrisent vite grâce à son type feu. Un miracle qu'il soit évolué, simple osselait il n'aurait sans doute pas eu autant de chance!

Et il remarche, arpente les couloirs avec un déambulateur, fait des progrès spectaculaires. Quel chance il a de si vite reprendre pied!

Ces mots là, chance et malchance, il les a beaucoup entendu depuis qu'il est sortit de son coma d'un an. Les médecins lui assurent qu'il retrouvera ses souvenirs, sans doute, un jour, tout en s'assurant une marge de recul, y'a jamais de certitude à 100% dans la médecine. Les quelques membres épars de sa famille ne veulent pas le voir. Il apporte le malheur. Pour améliorer sa dextérité, pour le stimuler et l'inciter à apprendre, son kine, passioné de musique, lui colle des baguettes entre les mains.

Aahiata puisque c'est à priori son nom apprends à jouer avec, à en sortir du bruit, de la musique, de la colère refoulée, des sentiments qu'il ressent sans les comprendre tout à fait. Il vient de se découvrir quelque chose qu'il aime, lui, pas parce qu'on lui a dit qu'il aimait ça mais parce qu'il le ressent. Il ne les lachera plus jamais quand bien même après avoir fait le tour des tombes des membres de sa famille il en a extrait les ossements qu'il restait après le crash et qu'il garde près de lui.

Ossatueur, enfant de malheur, on ne se refait pas.