Deuxième fille du roi Wahid et de la reine Agnes, Inaya fut élevée comme la digne princesse qu’elle devait être. Même si sa mère était très fière d’elle, ce n’était pas exactement la même chose du côté du père ; ce dernier désirait avoir un fils, et il ne put cacher sa déception en ayant eu trois filles. Vilma, l’aînée, respectait son enseignement, les traditions et les coutumes de son peuple, en tant que première princesse, elle voulait être digne. Inaya souhaitait suivre le même chemin, mais sa perception des choses se troubla à cause de sa petite sœur Réa. Cette dernière était turbulente, mais surtout, elle voulait prouver à son père qu’être une fille n’était pas un problème et qu’elle saurait devenir la plus grande des guerrières. Une princesse guerrière, qui respecterait à la fois ses obligations de princesse, mais qui assumerait aussi celles qu’aurait eues un prince. Une idée qui séduit grandement Inaya ; après tout, elles descendaient d’une fière lignée de guerrier, elles étaient des Kujaku. Il était grand temps de ranger ses pinceaux et ses aiguilles pour attraper la lame d’une épée.

Wahid en fut très surpris, mais il accepta d’enseigner l’art du combat et des épées à ses filles, Vilma ayant également envie de suivre les idées de ses petites sœurs. C’était un bon moyen pour les filles de se rapprocher de leur père et de le rendre fier ; ce qui eut l’effet escompté. Ce qui était amusant, c’était que la reine Agnes leur confia qu’elle aussi avait appris à se battre et à tirer à l’arc. Mais depuis qu’elle avait épousé un fier combattant et accouché de trois merveilleuses filles, elle n’avait jamais eu l’occasion de reprendre les armes. Ce fut donc dans la plus grandes des bienveillances et des honneurs que les trois héritières Kujaku devinrent des princesses guerrières.

Les mariages arrangés étaient d’usages. Mais tout mariage politique se devait d’être approuvé par le Seigneur Oscuro. Vilma était promise au prince Kehinde d’Iboth et ce fut un mariage heureux. Pourtant, aucun des deux prétendants ne se connaissaient d’avant la cérémonie, une vraie relation naquit entre eux, suivit d’une belle histoire d’amour. Un mariage arrangé heureux, voilà quelque chose qui faisait rêver la belle Inaya. Mais elle était encore un peu jeune pour y songer et son père prenait les choses très à cœur : il lui choisirait le meilleur des partis. En attendant, il lui offrit un animal de compagnie ; un coyote albinos. Ce dernier était condamné à mourir de faim s’il restait libre dans la nature, il préféra donc le ramener dans son palais et l’offrir à l’une de ses filles. Inaya en tomba follement amoureuse et prit grand soin de la bête. C’était aussi un moyen de voir le visage des gens, ceux qui détestaient son Timalar pour sa condition d’albinos… elle les rayait de sa vie !

En tant que princesse, elle recevait plusieurs demandes en mariage. Son père lui avait désigné un futur époux doux et amoureux de la musique. Inaya avait découvert le portrait de son futur, et elle le trouva plutôt charmant, s’imaginant déjà composer des musiques avec lui. Les bonnes nouvelles s’enchaînèrent, puisque sa grande sœur lui annonça la naissance de son premier fils ; Ghaïs. Inaya flotta sur un petit nuage, mais la réalité la rattrapa bien vite. Le Seigneur Oscuro n’approuva pas son mariage et le lui refusa. Princesse d’une grande ville sainte, elle se devait d’épouser un guerrier pour équilibrer les forces. Son premier rêve se brisa, mais elle ne baissa pas les bras. Après tout, son père lui faisait certes peur, mais c’était un homme bon, et son beau-frère était un guerrier, mais c’était un homme bon également. Elle pourrait elle aussi, tomber sur un guerrier totalement respectable. Mais les mauvaises nouvelles continuèrent. Cette fois-ci, le Seigneur Oscuro lui-même demanda à épouser l’une des filles Kujaku, et il avait jeté son dévolu sur Réa. Celle-ci était horrifiée et dégoûtée par cette terrible nouvelle. Elle ne voulait pas faire honte à sa famille, mais elle ne voulait pas non plus devenir l’épouse d’un tel tyran. Lors d’une nuit, elle s’enfuit avec le Général d’une des armes d’Oscuro, celui-là même qui devait l’escorter jusqu’à son Seigneur.

Inaya n’en voulait pas à sa sœur, elle était même plutôt compatissante et admirative ; si elle avait été à sa place, aurait-elle eut le courage de s’enfuir ou aurait-elle sagement obéi ? Les actions de la princesse Réa et la trahison du général Sahib rendirent le Seigneur Oscuro furieux. Il exigea qu’on lui ramène immédiatement les fugitifs et il sanctionna tous les membres de la famille Kujaku en les obligeant à gérer des conflits hors de leurs territoires et en payant des taxes exorbitantes. Mais le roi Wahid ne céda pas, ni le nouveau roi Kehinde ; s’ils payèrent les taxes et envoyèrent des hommes gérer ces fameux conflits, aucun des deux ne lança de véritables poursuites contre la princesse Réa. Wahid était un fier guerrier qui obéissait au Seigneur Oscuro, mais il n’était pas stupide, il savait très bien que c’était un tyran doublé d’un monstre, et même si le roi ne vouait pas un amour inconditionnel envers ses filles, il ne souhaitait pas non plus les envoyer en enfers.

Mais la princesse Réa ne fit pas que s’enfuir avec Sahib. Ce n’était que le point de départ d’un projet bien plus grand. Cela faisait longtemps que la princesse observait le monde en silence et qu’elle constatait les horreurs commises par le tyrannique Seigneur Oscuro. Parce qu’il était le fils d’un dieu, il était libre de faire comme bon lui semblait et de faire souffrir son peuple ? Les dieux n’étaient-ils pas sensé les guider vers une vie paisible ? Devenir l’épouse de ce demi-dieu ne lui apporterait rien, et elle n’aurait jamais été son égal pour rétablir un semblant de justice. Elle ferait donc autrement. Inspirée par son ancêtre lointaine, la guerrière Kujaku, la princesse Réa se lança dans une nouvelle rébellion. Elle déclencha plusieurs guerres civiles, au nom de la liberté, au nom de la véritable paix.

Ce fut dans ce chaos total qu’Inaya accueillit son second neveu, Khaleel, le petit frère de Ghaïs. Deux petits garçons robustes qu’Inaya aimait de tout son cœur. Mais quel avenir leur laissait-elle ? Kehinde et Vilma étaient un très bon couple royal et leur royaume était prospère, mais le chaos engendré par sa petite sœur finirait par les toucher. D’un autre côté, elle ne voulait pas stopper Réa ; elle estimait qu’elle avait raison de lutter ainsi. Et peut-être qu’il était tant qu’elle lutte également à ses côtés au lieu de rester sagement derrière les murs du palais. La princesse Inaya prit la lourde décision de rejoindre sa petite sœur, avec la bénédiction de Vilma, qui lui offrit des armes forgées par leur meilleur artisan. Chacune des sœurs lutteraient pour leur peuple, à leur manière.

La princesse Inaya rejoignit donc les rangs de sa sœur et devint à son tour une princesse rebelle. Ils formèrent un groupe solide, principalement composé d’anciens soldats qui en avaient assez d’obéir au Seigneur tyrannique. À chaque fois que leur groupe intervenait dans une ville, ils arrivèrent à rallier le peuple et chasser l’armée d’Oscuro, pour enfin reprendre leur droit. À chaque exploit, leurs rangs grossissaient. Et dans ce mélange de guerre et de victoire, la princesse Inaya se rapprocha intimement d’un autre rebelle ; Ameen. Ce n’était qu’un simple soldat, qui n’avait aucun sang noble. Et pourtant, son esprit était ouvert, fier et vertueux. Elle en tomba amoureuse, sans savoir où cette histoire pouvait les mener…

Malgré la libération de plusieurs peuples, la colère du Seigneur s’abattit plusieurs fois sur eux. Il se réappropria des terres qu’il avait autrefois conquises, et surtout, il en avait assez de ce petit jeu. Il allait y mettre un terme une fois pour toute ; il ordonna la capture et l’exécution de l’entièreté de la famille Kujaku. Par chance ou miracle, les grands-parents des sœurs avaient réussi à s’échapper avec le petit Khaleel, grâce au sacrifice des plusieurs domestiques qui cherchaient à les protéger. Wahid, Agnes, Kehinde, Vilma et Ghaïs furent capturé, ce qui dévasta les deux sœurs Kujaku. Autant Inaya que Réa se sentirent coupable du sort de leur famille. Ils tentèrent de les libérer, mais non seulement leur mission se solda par un échec, mais plusieurs membres de leur rang perdirent la vie et la princesse Inaya fut capturé à son tour.

Un échec amer, mais Réa ne voulait pas abandonner les siens. Elle les sauverait, coûte que coûte, même si elle devait se sacrifier elle-même. Pourtant, on la dissuada d’aller plus loin. La rébellion de Réa avait apporté un vent nouveau, un vent de révolte mais de liberté. Elle et son groupe lutter activement contre le Seigneur Oscuro et ils ne devaient pas fléchir. Pour le message qu’elle portait, pour le bien du peuple, elle devait poursuivre la lutte, elle devait survivre… et abandonner sa famille.

Le jour de l’exécution public, le peuple se révolta plusieurs fois pour aider les Kujaku à s’enfuir. Mais ils furent repoussés par les forces armées du Seigneur, certains se firent même tuer, ce qui calma grandement la foule. La sentence tombera quoi qu’il arrive, cette famille servirait d’exemple. Personne ne s’oppose au Seigneur Oscuro. Seulement, Inaya se rebella une dernière fois ; si elle accepta son sort, si elle était prête à se sacrifier pour porter un message de liberté, il lui était inconcevable que son neveu Ghaïs soit également exécuté. Ce n’était qu’un enfant et il n’avait pas à payer les erreurs et les gloires des adultes. Elle évoqua la colère des dieux, qui n’accepteraient pas qu’un prince innocent d’une cité sainte soit sacrifié ainsi. Acclamée par le peuple, l’armée céda donc à la dernière volonté de la princesse.

Si le prince Ghaïs se fit retirer de l’échafaud, la dernière chose qu’il vit fut sa tante Inaya se fait décapiter la première.