Matthew est né d’un père américain et d’une mère japonaise, respectivement Christopher James Dewitt et Marina Makoto Serizawa. Christopher, étudiant au Japon, a rencontré Marina durant ses cours de kendo. Il était excellent et avait réussi à sortir son épingle du jeu, une fierté pour un étranger, américain qui plus est. Cependant, il se heurtait toujours au mur qu’était sa future compagne. Cette dernière était surnommée « Ryujin », en hommage au kami du dragon divin, tant son style de combat semblait imbattable. Christopher, lui, fut nommé « Inari », pour son agilité et sa manière futée de manier le sabre, tel un renard. On les appelait ainsi très souvent « le dragon et le renard »
Naquît d’abord une rivalité entre eux, avant qu’ils ne se rapprochent et se lièrent d’amitié. Ce n’est qu’au bout de quelques années qu’ils s’avouèrent mutuellement leur attirance. Fragile, Marina perdit la vie en donnant naissance à leur fils, Matthew. Christopher eut du mal à encaisser la chose, et décida de quitter le pays avec son enfant, afin de retourner à sa terre natale.
Matthew a ainsi vécu toute sa vie aux Etats-Unis, n’ayant que très peu de souvenirs de sa petite enfance où son père était en pleine dépression. Il eut une scolarité somme toute normale, les moqueries habituelles quant à ses lunettes mise à part. Son père lui parlait très souvent de sa mère, de sa force, il lui rappelait de toujours traiter sa double nationalité avec respect, de ne surtout jamais oublier d’où il venait.
De ce fait, afin de préserver leur héritage commun, Christopher apprit le maniement du sabre à Matthew dès son plus jeune âge. Il avait du potentiel, c’était certain. Lui montrant très souvent des représentations filmées de ses performances sur le sol japonais de Marina et de lui-même, Matthew était très impressionné et semblait décider à mixer leurs deux styles avec succès.
C’était bon de revoir un soupçon de sa défunte épouse, même si cela était à travers son fils, c’était grâce à lui que Christopher réussissait à traverser son deuil. Souhaitant toutefois aller de l’avant, à l’orée des 6 ans de son fils, son père rencontra une nouvelle femme, Eurydice Howard, une enquêtrice travaillant au service de l’Etat. Elle s’entendait très bien avec Matthew, entre autres parce qu’elle était compréhensive et n’essayait pas de remplacer sa mère.
Un an plus tard, ils eurent une fille qu’ils nommèrent Candice. Un peu jaloux au début de l’attention qui lui était portée, il comprit bien vite que ses parents comptaient sur lui pour protéger sa sœur : cette dernière était née faible, un système immunitaire très fragile. Dès lors il était toujours sur le qui-vive pour la veiller durant ses premières années, ou bien être à son chevet lorsqu’elle pleurait, l’empêcher de tomber d’un endroit trop haut pour elle. Sans s’en rendre compte, cette petite allait devenir son univers.
Relation très fusionnelle entre les deux, Matthew lui apprit tout ce qu’il savait, prenant exemple sur son père en l’entraînant au plus tôt au sabre : pour lui, étant donné sa santé fragile, il fallait absolument qu’elle sache se défendre. Etant plutôt calme de nature, il prit la mauvaise habitude de s’attirer des ennuis contre ceux qui se moquaient de sa sœur ou s’en prenaient à elle, en général, il s’agissait de petites brutes de la classe de Matt. Bien qu’il semblait chétif à première vue, il rendait coups sur coups et se défendaient bien. Il s’attirait des ennuis et se faisait punir, certes, mais sa petite sœur le regardait souvent avec admiration, c’était son ange gardien. Et pour lui, elle était son trésor à protéger. C’était sans doute pour cette raison qu’il avait décidé de se lancer dans des études médicales.
Leur vie se passait bien jusqu’à ce jour fatidique : un individu masqué avait pénétré de force dans leur domicile ; Eurydice avait eu le réflexe d’ordonner aux enfants de se cacher. Alors qu’elle était sur le point de saisir son arme de poing, l’intrus avait pu la tenir en respect avant de l’étrangler sous les yeux de Matthew, tous deux cachés sous une table, s’efforçant de détourner le regard de Candice. Lui qui ne manquait d’habitude pas de courage, il s’était retrouvé tétanisé, impuissant face à la mort de sa belle-mère.
Christopher n’avait malheureusement pas eu le temps de réagir, l’assassin lui ayant asséné plusieurs coups de couteau lorsqu’il s’était infiltré dans la maison. Agonisant, il lui avait tiré une balle en pleine tête lorsqu’il en avait terminé avec Eurydice, avant de finalement prendre la fuite, laissant la jeune fille et l’adolescent seuls au milieu des deux cadavres.
Si Eurydice avait bien succombé à sa strangulation, Christopher avait réussi à survivre par miracle, sa balle s’étant logée non loin de son hémisphère droit sans l’endommager. Ses blessures ont pu être traitées à temps lorsque les secours sont arrivés, mais il fut plongé dans le coma. Candice et Matthew restèrent dans le mutisme un moment, tous deux traumatisés par l’évènement. Néanmoins, le grand frère savait que sa sœur comptait sur lui. Il n’avait pas le choix, il devait garder la tête haute. Tant qu’ils étaient tous les deux, tout irait bien.
Ils furent placés en famille d’accueil, Matthew n’étant pas encore majeur, il ne pouvait prétendre s’occuper de Candice et des charges qui lui incombaient. Leur tutrice, Miss Konig, était une personne épouvantable et aux pratiques archaïques, n’hésitant pas à les frapper pour se faire respecter. Candice était très sensible à ses remarques, répétant à la jeune fille que ses bouclettes blondes étaient trop fantaisistes : elle avait tenté plusieurs fois de lui couper les cheveux de force, se heurtant à Matthew qui s’interposait. Il la haïssait, mais il savait très bien que c’était sa parole contre la sienne.
Quelques années à tenir, et il comptait partir avec Candice de cet enfer. Du moins, c’était ce qu’il avait planifié : la santé de la jeune fille s’était détériorée depuis l’incident, elle était très souvent malade, en proie à de violentes quintes de toux ou vomissements ; les médecins lui prescrivirent plusieurs traitements, sans déceler le mal qui la rongeait. Rien n’y faisait, et son état empirer de jour en jour. Elle fut hospitalisée, afin de rester en observation. Matthew lui rendait souvent visite pendant ses études qu’il peinait à continuer : le niveau était tellement élevé, en plus du sort de sa sœur qui l’inquiétait, c’était bien trop dur à encaisser pour lui.
Ils eurent une discussion, et pour une fois, c’était elle qui était train de le rassurer, lui disant de ne pas s’en faire, et qu’elle irait bien vite mieux. Elle voulait absolument qu’il se concentre sur ses études. Elle voulait qu’il aille bien.
Et pourtant, quelques mois plus tard, elle rendit finalement son dernier souffle, son corps ayant fini par craquer sous son état.
Ce fut une longue période pour Matthew, désormais seul face au monde, sans sa famille, sans son trésor. Il savait qu’ils auraient voulu qu’il se serve de ces épreuves pour devenir encore meilleur, pour devenir quelqu’un, alors il essaya, non sans en payer le prix. Il n’avait plus aucune interaction sociale, rejetant toute personne, violemment et cyniquement. Il était désormais vu comme une espèce de misanthrope, ou plutôt, une coquille vide qui tentait vainement d’avancer.
A ses 21 ans, il partit de chez Miss Konig, non sans lui vomir quelques atrocités à la figure. Rendant parfois visite à son père, toujours dans le coma, il gardait un maigre espoir de le voir resurgir un jour. Un espoir qu’il garda pendant quatre années supplémentaires, durant lesquelles il était devenu médecin à domicile. Une vie vide de sens, où il avait l’expression d’être spectateur de sa propre réalité.
Il comprit à 25 ans qu’il n’y avait plus aucun intérêt à rester dans ce monde. Son père ne se réveillerait jamais, il resterait éternellement seul. Il conduisit jusqu’à la côte est du pays, proche d’une falaise en bord de mer où ils partaient très souvent en famille, il s’agissait de la destination préférée de Candice. C’était l’endroit idéal pour mettre un terme à tout ça.
Il faisait déjà nuit, et alors qu’il regardait les rochers en contrebas avec un sourire cynique, des promeneurs l’interpellèrent, l’éclairant de leur lampe torche. Au regard qu’il arborait, ils comprirent bien vite ses intentions. Ils tentèrent de le raisonner, alors qu’il se mit à rire d’un air dément. Le dernier souvenir qu’il eut, c’était le faisceau de leur torche qui l’éblouit légèrement, avant d’enfin se laisser tomber.