Leandro est né dans un petit village de Sicile, dans une famille d'extrême pauvreté. Son père avait accumulé de lourdes dettes dues aux jeux d'argent et à l'alcool—ainsi qu'autre chose que Leandro n'a jamais su ni cherché à savoir. Ces dettes, toutefois, étaient en partie envers des mafieux locaux, ce qui compliqua d'autant plus les choses. Sa mère s'était prostituée—non pas pour faire survivre la famille, mais purement pour faire chier son mari et lui faire du chantage émotionnel. L'argent qu'elle y gagnait, elle était bien la seule à en voir la moindre pièce.

Bien qu'ils avaient un toit, c'était un endroit piteux qui ne protégeait que de la pluie et du vent; aucune isolation contre le froid ou la chaleur. C'était sale et délabré, et très étroit. C'est le plus qu'ils pouvaient se permettre. La nourriture était rare, il fallait savoir économiser les quelques pièces que rapportait le père. Souvent, Leandro allait à l'école le ventre vide, et n'avait guère grand chose de plus le midi. Il avait peu de temps pour faire ses devoirs, alors ses notes en subissaient les conséquences sévèrement: plutôt, lorsqu'il n'était pas en cours, il devait parcourir les rues et mendier, ou voler de quoi survivre jusqu'au prochain jour. Ce n'est pas ses parents qui allaient être de bien grande utilité.

À l'âge de douze ans, son père mourut. Naturellement ou non, il ne le sut jamais, mais il suspectait que les mafieux avaient quelque chose à voir dans cette histoire. Cosa Nostra contrôlait le village et pouvait s'en sortir avec n'importe quoi, ici. Le décès du père causa la perte du logement, entraînant l'abandon de Leandro par sa mère: elle n'avait jamais vraiment voulu de lui. Alors Leandro se retrouva à la rue, avec encore moins que le peu qu'il avait déjà. D'autant plus que la dette de son père envers Cosa Nostra n'était toujours pas payée en entier, alors on l'avait forcé à se mettre au travail. Un travail minable, digne d'un moins que rien, dans un restaurant leur servant de façade. Il y gagnait à peine assez pour couvrir les paiements dus à la mafia, alors mendier et voler étaient toujours ses seuls moyens de subsistance.

Deux ans plus tard, cependant, il y eut légère amélioration dans sa situation. Dorénavant âgé de quatorze ans, il était en âge d'entrer en institut professionnel; ses notes minables obtenues précédemment n'auraient pas été suffisantes à elle seule, mais Cosa Nostra avait fait jouer de ses contacts afin qu'il soit admis dans un programme de restauration. Ce n'était bien entendu pas de bonté de cœur: si ses trois années d'études lui seraient payées, ce n'était que dans l'objectif qu'il continue à travailler pour eux et apporte argent et crédibilité à leur restaurant. Pour ses frais de subsistance, il pouvait bien aller se faire voir et se démerder tout seul.

À dix-sept ans, il obtenu sa certification en restauration, comme prévu, il fut forcé de rester travailler pour Cosa Nostra. Il avait à présent droit de travailler à la préparation des plats, mais était malgré tout traité comme un moins que rien, le simple jouet des mafieux, qui pouvaient bien faire ce qu'ils voulaient de lui. Que pouvait-il faire contre eux, les dénoncer aux autorités? Elles étaient sous leur contrôle, ici, et il serait vu comme complice de toute manière. Alors sa vie de mendiant ne s'améliora guère. Plus le temps passait, plus il osait davantage. Au simple pickpocket dans les foules et vol à l'étalage dans les grandes surfaces s'ajouta peu à peu le vol à l'étalage chez de petits marchands eux même dans une situation précaire.

Cela dura jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de vingt-trois ans, où, un jour, il se fit prendre par l'un de ces marchands, ayant été trop ambitieux dans les risques pris ce jour-là. Il tenta de le poursuivre en justice, mais Leandro fut jugé innocent, secrètement protégé par la mafia. Cela rendit le marchand furieux, lui qui voulait réparations pour les pertes causées à son petit commerce. Cosa Nostra y vit une bonne nouvelle victime, qui leur rapporterait bien plus que Leandro, et donc l'un d'eux alla lui proposer son aide, incognito. Il y avait une sorcière, au Japon, qui collectait les gens de la sorte, leur jetant un sort et les gardant prisonniers jusqu'à ce qu'ils deviennent bons. Ils lui proposèrent de la contacter et de lui envoyer Leandro, afin qu'il puisse être puni pour ses actes. En échange, il ne lui devrait qu'une simple faveur. Ne sachant pas encore qu'il s'agissait de la mafia, le marchand accepta, et Leandro, tel la chose qu'il était, fut livré au Japon sans avoir un mot à dire. Faux papiers fournis afin de faciliter les choses, et le voilà hors du pays.

Il fut trouvé par Nozomi, dans une petite rue marchande. Lui ne savait pas ce qui l'attendait et, donc, sous la faim il eut le premier réflexe de vouloir piquer quelque chose dans son sac à main, comme à son habitude. Mais il fut vite stoppé dans son élan lorsque la vieille dame le repéra et le regarda si intensément—un regard qui semblait lire en lui et le déstabilisa énormément.

Résultat, il fut transformé en chat et apporté au café, où il demeure depuis les quatre dernières années. Il n'est pas bien pressé de changer afin de sortir: il n'a aucun remords pour ce qu'il avait l'habitude de faire et n'avait aucune honte à l'idée de le refaire aussitôt libéré. C'était bien là son seul moyen de survie, dans la rue. Il préférait bien mieux la vie de chat, même si ses seules sorties se limitaient dorénavant au petit jardin du café. Depuis la dernière année, toutefois, s'est ajouté le travail de nuit au bar de l'arrière-petite-fille de la vieille dame. Retrouver une forme humaine était bien plaisant, et il y avait pire que le travail comme hôte, alors il ne se plaignait pas; il y prenait même plaisir, selon les clients. Passant son temps à écouter les conversations à longueur de journée, il a vite développé son japonais oral, qui est devenu très bon bien que sa prononciation soit encore à travailler. Il n'a toutefois encore aucune notion (ou presque) de japonais écrit, incluant lu.