L’enfance de Victoire était douce ; elle venait d’une famille très modeste. Ses parents avaient eu beaucoup de mal à l’avoir, d’où son prénom significatif. Elle fut élevée avec beaucoup d’amour et de tendresse, mais ses parents pouvaient se montrer stricts et durs parfois. C’était une petite fille sage, gentille et parfois un peu discrète. Elle n’avait pas beaucoup d’amis, mais cela lui suffisaient amplement.

Vers l’adolescence, les choses se compliquèrent pour Victoire ; elle grandissait et ressemblait déjà à une jeune fille. La façon dont les gens la regardaient devint radicalement différente, ce qui la mettait profondément mal à l’aise. Elle se faisait draguer aussi bien par des garçons de son âge, que par des hommes bien plus âgés. Mais elle repoussa tout le monde, ne se sentant pas prête pour une relation autre qu’amicale.

Victoire se lança dans des études de gestions, obtint de très bonnes notes et fut diplômée. Elle se fit embaucher dans l’entreprise qui la faisait rêver et elle pensait qu’en travaillant dur, elle serait reconnue pour ses efforts. Mais c’était mal connaître le monde du travail. Juste parce qu’elle était jolie et polie, des gens malintentionnés lancèrent des rumeurs sur elle. Comme quoi elle couchait avec plusieurs employés, que les promotions qu’elle obtenait, c’était parce qu’elle passait sous le bureau, et pleins d’autres joyeusetés aussi horribles. C’était très dur d’entendre ce genre de chose et de ne pas réussir à les démentir. Mais ce n’était certainement pas le pire.

Dans cette entreprise, il y avait une collègue, Caroline ; assez discrète et plutôt gentille. Victoire avait sympathisé avec elle, surtout que c’était l’une des rares personnes qui ne semblaient pas croire ces rumeurs. Mais ce fut sa plus grande erreur ; Caroline était en réalité une érotomane et elle avait pris Victoire comme une rivale en amour. Victoire n’en savait rien, il lui arrivait parfois de discuter avec Sacha, un autre collègue qui la respectait. Et Sacha était le grand amour de Caroline, dans ses délires, elle était persuadée que Sacha était fou amoureux d’elle mais que Victoire essayait de le lui voler. Et ça ne lui plaisait pas du tout. Alors que dans la réalité, Sacha n’était même pas au courant de l’existence de Caroline, c’était juste une collègue d’un autre étage qu’il croisait très rarement…

Pour se débarrasser de l’obstacle qu’était Victoire, Caroline la poussa dans les escaliers. La pauvre jeune femme fit une chute terrible et termina aux urgences avec une cheville cassée, une entorse au poignet et un torticolis. Elle se retrouva immobilisée et resta quelques jours à l’hôpital, le temps de trouver une solution ; comment allait-elle vivre son rétablissement chez elle ?
Elle pensait se reposer à l’hôpital, sa famille et ses amis lui rendirent visite, il y eut aussi quelques collègues. Caroline lui rendit également visite, mais elle avait d’autres plans en tête. Elle profita du fait que Victoire était immobilisée pour lui injecter quelque chose dans le corps. Le temps que la substance mortelle fasse effet, la pauvre jeune femme n’eut pas le temps d’appeler à l’aide, se sentant de plus en plus faible. Caroline lui avoue tout ; que Sacha était à elle seule et que Victoire n’aurait jamais dû l’approcher. Oh, et les rumeurs, c’était elle qui les avait toutes lancées. Elle le méritait de toute façon, ce n’était qu’une garce qui draguait les hommes des autres. Elle méritait de mourir.

Sa mort fut si violente, que lorsque Victoire atterrit à Anobaith, elle ne se souvenait plus de rien. Comment s’appelait-elle ? Qui était-elle ? Elle ignorait tout. Par chance, elle tomba sur un groupe d’humains qui l’accompagna jusqu’à la cité humaine en toute sécurité. Là-bas, elle apprit d’une façon très peu bienveillante qu’elle était morte et qu’elle devait accepter sa nouvelle réalité. Le choc fut terrible, en plus de cette confusion de ne pas connaître son identité, elle nageait en plein cauchemar.
Mais Victoire ne baissa pas les bras et décida d’embrasser pleinement cette nouvelle vie. Puisqu’elle avait fait l’expérience de la terreur, elle allait aider les nouveaux arrivants à traverser cette épreuve le plus sereinement possible.

Lors d’une expédition, son groupe eut le malheur de tomber sur un monstre d’une dangerosité de niveau sechs. Elle et un de ses camarades furent les seuls à en venir en bout, tandis que les autres périrent. Les deux jeunes gens étaient traumatisés et ils devaient rentrer à la cité pour se remettre du choc… Seulement, sur le chemin du retour, ils tombèrent sur Adam. Un homme à la peau et aux cheveux noirs comme l’ébène, aux yeux blanc et aux longues oreilles pointues. C’était un monstre d’un niveau hautement supérieur. Au hasard, il élimina le camarade de Victoire et la laissa seule survivante. Pour la récompenser d’avoir eu de la chance, il la lui vola ; il la maudit, faisant d’elle la plus malchanceuse qui soit. Elle aura beau se débattre de toutes ses forces, le monde qui l’entoure et sa malchance finiront par la tuer et la faire disparaître.

Victoire ne voulait pas admettre cette malédiction. Après avoir pansé ses plaies, elle décida d’intégrer un nouveau groupe ; mais celui-ci se fit à nouveau décimer. Elle frôla la fin plus d’une fois, mais elle refusait cette triste fatalité. Elle prit la décision de ne plus sortir sur le terrain, ne voulant plus mettre les gens qui l’entourent en dangers. Elle rejoint donc l’administratif de sa cité, aidant les citoyens d’une façon concrète mais moins dangereuse.

Avec les années, elle retrouva progressivement la mémoire et gravit les échelons. Aujourd’hui elle fait partie des personnes les plus importantes et influentes de la cité. Elle aime toujours autant accueillir les nouveaux arrivants et essayer de les rassurer pour cette nouvelle vie. Il lui arrive parfois d’être nostalgique de lorsqu’elle pouvait aller sur le terrain en groupe…