Morcadès

Morcadès était de celles-ci. Après la disparition de sa vieille ennemie Nimuë, qui s’était donnée pour mission de rendre au petit peuple ses lettres de noblesse, mais qui échoua lamentablement à protéger l’humain qu’elle avait choisi pour entrer dans la légende, l’Ordre de Cornwall intensifia ses offensives contre les fées.

Durant des décennies, Morcadès observa avec fascination les prouesses de Roland, qui avait assassiné son frère jumeau afin d’accéder aux plus hautes fonctions de l’Ordre. Son hypocrisie, sa duplicité et sa culpabilité étaient autant d’éléments dont elle se voyait déjà tirer profit, afin de le corrompre et de le faire sombrer dans les tréfonds de l’humanité, tout en assénant un coup fatal aux fondations du culte d’Artos.

C’est au crépuscule de sa vie qu’elle se présenta à lui, pour lui proposer de rejeter son église et d’entrer à son service. En échange de quoi, elle le rendrait immortel et il pourrait jouir de nombreux privilèges au sein de la Cour Unseelie.
Roland, affaibli et vieillissant, accepta son offre tout en réfléchissant à la possibilité de trahir Morcadès et retrouver sa liberté d’ici quelques années. La fée guerrière l'incita à dévorer une pixie, éveillant en lui de sombres pulsions contre lesquelles il devrait apprendre à lutter. Devenu Demi-Unseelie, il retrouva sa jeunesse et suivit sa "bienfaitrice" au sein du Royaume des Brumes, aussi connu sous le nom de Val-Sans-Retour.

Là-bas, Roland connut des difficultés à s’intégrer. Son visage, identique à celui de leur ancien ennemi Tamalyn, ainsi que sa condition d'hybride suscitèrent de la méfiance et de l'hostilité chez les Unseelies. Ayant été rejeté par Excalibur (qu’il fut contraint d'abandonner aux humains), Roland se retrouva fortement démuni et obligé de compter sur la protection de Morcadès pour s’en sortir.
Éventuellement, il naquit de cette proximité des sentiments plus profonds que la fascination, le mépris ou le simple désir, et qui prirent le pas sur toute velléité de trahison autant du côté de Morcadès que de Roland. Morcadès fit de lui son amant et lui confia son épée Durandal, "La Dévoreuse", afin qu’il puisse mieux la servir et se protéger.

Durant des siècles, elle le poussa toujours plus loin dans le vice, lui faisant prendre part à de nombreuses chasses à ses côtés, décimant les chevaliers dont il avait jadis embrassé la cause. Petit à petit, Roland se laissa gagner par ses instincts d’Unseelie. Mais surtout, il sentit poindre une horrible faim qu’il s’était longtemps efforcé de réprimer, dans une vaine tentative de conserver un peu d’humanité et de ne pas donner entière satisfaction à Morcadès.

Roland ne sut jamais si sa compagne l’avait senti et accepté depuis longtemps, ou s’il la prit véritablement par surprise lorsqu’il perdit le contrôle de ses crocs et qu’il lui arracha la gorge, la tuant sur le coup. Lorsqu’il retrouva ses esprits et prit conscience de ce qu’il avait fait, il n’eut pas le temps de lire la moindre expression sur son visage figé par la mort. Morrígan, la sœur aînée de Morcadès, s’était étonnée de ne pas la voir honorer ses obligations et avait fait le déplacement jusqu’à leur tour, pour finalement découvrir la scène avec horreur.

Après avoir arraché Roland du corps meurtri de sa sœur, Morrígan décida de l’enfermer dans les geôles du Val, où elle le garderait vivant mais affamé jusqu’à la fin des temps.