Histoire

Alecia est la dernière d’une fratrie de trois, tous des garçons de naissance. Elle est née dans une période assez tendue pour ses parents : sa mère, marquée par les débuts du féminisme, remettait en cours toute sa relation avec son père et lui… était comme depuis toujours un exemple de virilité mal placée et de machisme bien ancré. Il avait inculqué tout ça à ses deux fils et comptait bien faire pareil avec le dernier… mais c’était sans compter sur son épouse qui prit ses clics, ses clacs, son bébé et se barras. Hors de question de se traîner un troisième démon à la maison, cette fois, ce serait elle qui gèrerait ! La succube fit de son mieux, nouvelle dans la vie de mère célibataire, mais elle avait largement ce qu’il fallait pour vivre loin de son maris sur les plages de Grèce.

Alecia grandit avec une mère nouvellement émancipée qui la laissa se découvrir, s’intéresser à ce qu’elle voulait, à qui elle voulait. Son père gardait quand même une présence horriblement stressante, n’hésitant à essayer de l’attirer de son côté, à dire qu’il allait faire de lui « un homme, un vrai ». Et cette idée, déjà toute petite, la terrifiait. Ce que la jeune faune aimait c’était les robes de sa maman, ses masques aux herbes qui sentaient si bon, les repas qu’elle s’acharnait à lui faire même si ce n’était pas trop son domaine. Elle aimait sa maman, sa façon d’être tantôt douce, tantôt amer. Ensemble elles apprenaient à ne pas être juste des femmes objets, mais des femmes libres et émancipées.

C’est à l’adolescence que les choses se sont gâtées : après des années d’écoles à la maison, sa mère l’inscrivit dans un lycée privé pour les créatures non-humaine. Un endroit normalement réputé, sécurisé, mais où on se mit vite à la regarder de travers juste parce qu’elle préférait l’uniforme à jupe des filles que celui des garçons. Déjà à ce moment, Alecia commençait à s’interroger sur son identité et avec la vie en communauté, elle se mit vite à de se comparer aux autres, à se dire que chez elle, un truc clochait. Le maquillage, la mode, les vêtements, la couture, la cuisine… tout ce qui composait ses passions, ses plaisirs, c’était des choses qu’on lui envoya dans la gueule comme « de fille ». Ce n’était pas que ça, mais aussi son attitude, la façon dont elle se percevait… tout ça commença peu à peu à la bouffer. D’abord l’hybride tenta de se faire accepter, de changer, mais elle était si malheureuse, si déprimée… ça la tuait de l’intérieur de devoir faire ça. Ce fut un de ses camarade qui mit un mot sur ça, qui lui parla pour la première fois de genre, d’identité, de la communauté LGBT. Une ouverture sur un monde qu’elle ne connaissait pas, mais ne plus être seule la soulagea.

Avec l’aide de cette personne elle se construisit et avança enfin dans sa vie, dans la construction de son soit. C’était difficile, à cause de ses peurs, à causes des autres, à cause de sa famille, de son père et ses frères qui ne l’acceptaient (qui aujourd’hui encore refusent de la voir comme ce qu’elle est), mais elle avait sa mère, ses amis, elle gérait. Dans tout ça la jeune succube vit aussi se réveiller ses appétits, ceux qui la poussaient à séduire, à capter l’attention, à attirer les regards. Mais contre vents et marées, il fallait avancer. Sortie du lycée elle s’orienta vers les arts, songeant à y faire sa vie, mais à cette période elle rencontra un homme dont elle tomba profondément amoureuse : Nyme. Il était un peu louche mais ça allait, il était gentil, et surtout il lui plaisait, il le comprenait… et jamais, jamais de toute leur relation, Alecia ne vit comme il la manipulait. La nymphe parvint à l’amener à penser comme il le voulait, à songer ses pensées à lui comme les siennes, à se dire qu’elle ne pourrait pas avancer sans lui. Il l’enferma dans une spirale dont il était le centre, une relation toxique dans laquelle aujourd’hui elle est encore coincée.

Coincée dans cette relation abusive sans jamais l’avoir remarqué, Alecia suivit Nyme aux Etats-Unis. Elle passa quelques temps à vivre à son crochet, avant d’avoir l’autorisation de travailler. Grâce à ses relations son compagnon lui trouva une place de maquilleuse sur quelques petits projets cinémas, et son talent et son sérieux furent vite remarqués et appréciés. Pour les travaux historiques elle ne ménageait ses recherches, pour les choses plus imaginatives son esprit foufou était le bienvenu, et ses facilités d’apprentissage étaient toujours très apprécié. Enfin elle s’épanouissait, se sentait bien. Comme il s’éloignait souvent pour le travail, Nyme proposa un accord : ils avaient le droit de papillonner à droit à gauche pour satisfaire leurs besoins quand ils étaient loin, mais seulement quand ils étaient loin. Ça prit un moment de la convaincre, elle habituellement si fleur bleue, mais après quelques temps ça lui parut juste « plus simple », juste « normal ». Alecia continue de s’épanouir et d’apprendre, vivotant dans une cage dorée dont elle n’a même pas conscience, aux prises avec un amant tantôt tendre, tantôt cruel et autoritaire. Si elle sent bien que sa relation est bancale, étrange, la faune préfère faire l’autruche, par peur de tout perdre et parce qu’elle ne sait même quoi faire ni comment le faire.