Isabeau Pendle était mal née, du moins de son point de vue. Elle a vu le jour dans une petite communauté de femmes, qui vivait à quelques miles du Old Chister du XVIeme siècle. Ces femmes avaient de bonnes raisons de vivre en autarcie loin des autres, car elles étaient en réalité un clan tout entier de sorcières. Un clan de ce que l’on appelle à Galar des Pernicieuses ; autrement dit, des sorcières noires.

Il faut tout d’abord savoir distinguer certains types de magie pour mieux comprendre la suite de l’histoire. Toute sorcière, qu’elle soit bonne ou mauvaise, pratique la magie du famillier et du sang. Le premier consiste à passer un pacte avec un Pokémon pour qu’il soit un allié et un serviteur ; les plus puissantes peuvent même contracter avec des démons, mais peu s’y risquent. La seconde consiste simplement à boire du sang pour gagner en puissance et lancer des sortilèges, des malédictions ou pratiquer la scrutation (en gros, communiquer avec des miroirs et voir l’avenir). Beaucoup de sorcières se contentent du sang de leur Pokémon familier en faibles quantités, ou de celui acheté au boucher. D’autres, comme les Pernicieuses, trouvent le sang humain plus efficace et satisfaisant, en particulier celui des enfants. Cette magie les a poussées à mettre au point celle des Os, qui consiste à utiliser des os humains en accessoires ou à les réduire en poudre dans du sang pour gagner toujours plus en puissance.

A l’opposé, les sorcières blanches, appelées les Bénévolentes, favorisent la magie Lunaire, qui consiste à puiser sa force dans les rites dédiés à la lune et se spécialisent dans les potions et les herbes médicinales.

Il existe bien sûr tout un tas d’autres types de magie de part le monde, mais voici les principales que l’on peut trouver à Galar.

Isabeau est donc née Pernicieuse : dès qu’elle en fut capable, elle du durement apprendre les formes de magie noires si chères au cœur de ses semblables. Mais la jeune fille ne se retrouvait dans toute cette noirceur, et voir d’autres clans être brûlés sur le bûcher les un après les autres ne faisait que renforcer ses doutes. Certes, on pouvait être une Pernicieuse et vouer son âme à Giratina, mais était-on vraiment obligé de le faire en s’en prenant aux humains normaux ? Des Pokémon puissants ne peuvent-ils pas suffire ?

Plus elle grandissait, plus vivre dans cette ambiance lui pesait. Son attitude déplaisait à la plupart des Pendle, qui la jugeait trop faible. Tout ceci ne fera que précipiter sa décision de partir : elle fit sa malle et s’en alla pour Old Chister et y devenir une simple boulangère.

Evidemment, quand l’on a été une Pernicieuse toute sa vie, apprendre par soi-même la magie des Bénévolentes n’est pas une mince affaire. Mais à Old Chister, la Corvaillus avait trouvé sa voie : les bonjours au détour d’une ruelle, la routine paisible, les sourires gourmands quand on goûte son pain…tout cela faisait que sa désertion en valait la peine. Au fond, elle pouvait comprendre pourquoi ces gens avaient peur de ses sœurs et les brûlaient…Elle restait juste prudente, car certains étaient assez aveuglés par l’église d’Arceus pour avoir envie de brûler les gentilles avec elles.

Mais pourquoi se fatiguer autant à changer de camp ? Et bien, elle avait juste envie de veiller sur sa nouvelle famille. Faire pousser des plantes médicinales lui permettait d’innover ses recettes tout en garantissant la santé des habitants qui mangeaient ses produits. Ils ne sauront jamais quel ange gardien veille sur eux, mais elle, le saurait.

Bientôt, les louanges sur la qualité du pain du village comme sur la beauté de celle qui le fabriquait arrivèrent aux oreilles des nobles locaux, plus particulièrement leur fils. Curieux, le Roitiflam s’en alla au village avec son fidèle Bourrinos pour voir si ce pain était vraiment si bon. Et une chose est sûre, c’est qu’une fois sur place, il tomba bien plus amoureux de la boulangère que de ses petits pains…

Chance pour lui, le coup de foudre fut réciproque et malgré leurs différentes classes sociales, ils commencèrent à se fréquenter. Ses parents furent étonnamment permissifs, mais la comtesse était malade et elle préférait voir son fils en ménage avec une belle femme tant qu’elle était encore de ce monde. Alors en voyant le désarroi de cette famille, qui restait humaine malgré son argent, la sorcière prit la décision de soigner cette femme pourtant dans un état critique, en lui servant de la soupe aux croutons de pain. Elle l’avait préparée spécialement avec ses réserves de plantes et concédé à user de magie de sang pour augmenter ses chances…Ca passerait pour un miracle et son amour serait heureux d’offrir une grand-mère pleine de vie à leurs futurs enfants.

Ce qu’elle ignorait, c’est qu’une des servantes l’avait surprise tard dans les cuisines à préparer cette fameuse soupe. Il n’en faudra pas plus pour qu’elle dénonce Isabeau à ses maîtres : leur fils s’apprêtait à demander la main d’une sorcière. Prévenue par son familier, la Corvaillus eu bon espoir qu’on lui soit plutôt reconnaissant pour la comtesse et qu’on lui pardonnera d’avoir usé de la magie…Il n’en fut rien. Désillusionné, le jeune Earl la fit arrêter et juger, bien que la sentence était courue d’avance : le bûcher.

Le jour de son exécution, la jeune femme était terrifiée : tous ces gens qui avaient été bons avec elle, et dont elle avait prit soin ces dernières années…Voilà qu’ils souhaitaient sa mort, l’injuriaient et lui lançaient des ordures sur son passages…avaient massacré son familier. Résignée, on l’attacha au poteau avant de mettre le feu. Mais le pire, c’est qu’il était là, elle le voyait parmi la foule. Le voir la regarder sur ce bûcher sans montrer la moindre émotion lui brisa le cœur : elle fondit en larme et le supplia, de lui pardonner, de lui donner une nouvelle chance, de venir la libérer…de la sauver. Mais le Roitiflam resta sourd à ses suppliques. Pire, il détourne le regard et s’en va.

Un déclic se produisit dans l’esprit de la sorcière. A présent, elle comprenait mieux pourquoi ses sœurs restaient des pernicieuses : il était inutile de donner une chance aux humains, ils étaient tous pareils. Elle avait passé tout ce temps à prendre soin d’eux, avait tout quitté pour eux, et voilà comment elle était remerciée ?

Du désespoir, elle passa à la rage la plus pure. Son hurlement retenti dans tout le hameau, sombre et guttural. Le vent se leva et des nuages sombres vinrent couvrir le ciel tandis qu’une ombre immense et menaçante s’élevait du bûcher : la sorcière avait invoqué un démon de Giratina. Sans la moindre hésitation, elle passa un pacte avec lui : elle rendait son âme au légendaire du Monde Distorsion et en échange il lui prêtait sa puissance. Toute sa haine fut dirigée vers son amour et la malédiction fut à la hauteur de sa trahison : il vivra éternellement, sans vieillir ni pouvoir mourir…Mais personne ne sera capable de l’aimer. Et le jour où leurs chemins se recroiseront, elle lui fera subir mille enfers avant de le tuer, si bien que même la mort ne sera pas une délivrance. Après ces paroles, le démon la changea en Corvaillus sauvage géant et disparut dans les cieux, non sans avoir ravagé la moitié du village au passage.

Une longue attente

Elle trouvera refuge par-delà les collines, dans une grotte des contrées glacées de Couronneige. Depuis, plus de 400 ans se sont écoulés et elle soigne encore son cœur brisé, faisant l'objet de bien des légendes sur un Corvaillus géant et noir comme la mort, qui dévore quiconque ose s’approcher trop près de son repaire. Elle attend le moment propice pour sortir et partir en quête de sa vengeance.