L'homme de la mer


Authors
digiv1ce
Published
7 months, 9 days ago
Stats
1000 1 2

Mild Violence
Theme Lighter Light Dark Darker Reset
Text Serif Sans Serif Reset
Text Size Reset
F211-b-bocklin-ile-morts.jpg?itok=BynHJ1

ending




Sur une île dépourvue de vie vint s'échouer une créature grotesque.

Cette vile créature aux traits difficilement humains expia son dernier souffle sur le sable, les vagues froides frappant sa carcasse comme une cruelle berceuse.

C'est dans la mort qu'elle donna naissance à trois enfants: 

Du sang de cette chose se forma un être similaire à un homme, de sa chair se détacha un second identique au premier et de ses os brisés tomba un troisième... Frêle et inachevé.

L'aîné et le benjamin étaient nés dans le silence tandis que leur cadet naquis dans la souffrance et expia en guise de premier mot un pleur déchirant. L'appel de leur pair les poussa à ramper hors de leur mère, se rejoignant alors pour le contempler... Lui qui tout juste né était destiné à l'agonie.


Aucun des frères n'avait acquis la capacité de parler, mais ils éprouvèrent leurs premières émotions face à leur cadet.

La chair chaleureuse n'éprouva que de la compassion pour lui et s'agenouilla à ses côtés, son premier instinct fut de porter sa main sur le visage difforme de celui qui lui apparaissait déjà comme un frère à qui il offrit réconfort et acceptation... tandis que le sang se tenait à distance, regardant leur semblable inachevé avec dégoût et mépris.

Le cadet, à son tour leva faiblement son bras chétif et rendit son geste d'amour à son frère, sa première sensation humaine fut de sentir un sourire s'esquisser sous ses doigts frêles... même sans la parole leur affection était mutuelle. Alors qu'il consolait son frère, leur aîné vint enfin à leur rencontre, s'agenouillant à leurs côtés tout en fixant la source de son mépris.

Le cadet à son approche lui souri, déjà plein d'amour pour lui et tendit de nouveau son bras frêle vers son ainé, souhaitant noué un lien avec lui. L'ainé le laissa toucher son visage bien différent de celui de leur frère benjamin car, lui était incapable de lui sourire. En seul retour il obtint un premier geste d'affection de sa part... Ses mains autour de son cou.

Sans un seul rictus le sang étrangla celui qu'il ne pu se résoudre à aimer comme un frère sous les yeux et l'incompréhension de son semblable. Après tout ils étaient tout juste nés... Comment pourraient t'ils savoir ce qu'était la mort ? La violence ? Le cadet n'eut même pas la chance de se défendre qu'il périt de la main fraternelle.

Était ce-de la pitié pour celui qui n'aurait tout de façon jamais survécu ? Ou était-ce une haine viscérale envers ce parent difforme ? Lui-même ne le savait pas, son premier instinct fut opposé à l'amour naturel de son semblable.


« Ainsi ils ne furent plus que deux d'une seule chaire. Que l'homme ne sépare point ce que dieu a joint. »


Après ce fratricide l'aîné dont le visage était toujours figé par le dégoût relâcha sa prise. Ses mains étaient tremblantes et sa respiration inégale tandis que la chair contemplait la scène, sidéré.

Le choc et l'inexpérience l'avait figé, lui qui n'avait ressenti qu'amour pour son parent comment aurait t'il pu comprendre la haine contrastante de son frère ? Vainement il tenta de sortir son frère de son "sommeil" et ne pu que constater que sa température avait changée, lui qui était si chaud était à présent aussi froid que le sable sous leurs pieds. Sans comprendre ce qui lui arrivait il s'effondra sur celui qu'il pleurait, le serrant dans ses bras et tentant de le réchauffer avec sa propre chaleur... Incapable de comprendre la mort de celui-ci.

Il ne sorti de son déni qu'en sentant le sable froid venir se frotter contre sa peau et vit son ainé effectué une étrange action. Celui-ci rassemblait du sable au creux de ses mains et le poussait sur le corps comme pour le couvrir, l'effacer.

Le deuxième frère l'observa un moment puis relâcha enfin son étreinte, ravalant ses larmes il commença à reproduire son geste par instinct, enterrant silencieusement son frère adoré.

En le voyant reproduire son geste l'ainé posa enfin son regard sur lui, son unique frère et lui sourit pour la première fois.


« Éternel, emplis les de frayeur eux qui ne sont que des hommes. »


Les frères restèrent longtemps seuls sur cette île, assez longtemps pour voir ce qui un jour fut leur mère ne devenir qu'un reste cristallisé par le sel... Seul témoin de son existence. Malgré le temps ils n'avaient toujours pas appris à se parler, mais avaient développé un lien indicible et semblaient malgré tout capables de se comprendre.

Un jour, l'ainé se rendit dans l'eau, debout dans les vagues observant au loin l'horizon... Il semblait inexorablement attiré par la mer comme si quelque chose l'appelait par de là son bleu infini. Son frère tenta de l'attiré hors de l'eau sans succès et son inquiétude grandissait chaque jour que passait son semblable figé à observer l'horizon.

Une nuit il vint de nouveau à la rencontre de son frère et lui saisit la main dans l'espoir de le ramener à terre, à la place les frères échangèrent un long silence lourd de mots. L'ainé serra sa main et s'avança un peu plus dans l'eau... Le moment était venu.

Le cadet s'avança à son tour tout en resserrant la main de son frère, la peur se lisant sur son visage. Il se retourna une dernière fois pour contempler ceux qu'ils laissaient derrière eux et suivi son frère, s'enfonçant dans la mer.

Ainsi, ils disparurent dans les vagues, avalés par la mer tout se tenant la main... afin de ne pas être séparés par les flots.