Legendary Knight - Mauvaise nuit


Authors
MickuV
Published
4 years, 6 months ago
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Cette scène m’est venue en tête après quelques réflexions sur l’écriture de mon histoire. Je ne peux pas exactement vous dire de quoi il s’agit, ça vous gâcherait la surprise haha ! Merci à Gara et Kyoki qui m'ont donné idées et envie de réfléchir sur cette fameuse chose qui concerne la Reine du Peuple.

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Cette nuit-là, je me souviens que je dormais paisiblement malgré la pluie battante qu’il y avait. Le rêve que je faisais ? Oh, je ne m’en rappelle plus vraiment, pour être honnête. J’imagine que je n’avais pas dormi suffisamment longtemps afin de m’en souvenir. Je n’avais pas pu car une succession de bruits plus ou moins forts me réveilla. Ils venaient de la porte de ma chambre et ils étaient à la fois insistant et hésitant. C’est une drôle de description, je sais, mais j’avais l’impression que l’on voulait me parler sans pour autant me déranger. Toutefois, malgré la fatigue, je calmai les coups en signalant que j’allais venir avant de quitter mon lit. Je ne pris pas la peine de rallumer ma bougie, voyant une faible lumière venir du couloir par-dessous la porte.
En ouvrant, je vis Katia, habillée d’une robe de nuit blanche, qui releva doucement la tête vers moi alors qu’elle fixait sa chandelle. Elle m’adressa un petit sourire mais son visage semblait pâle. Je remarquai également que son front était légèrement humide à cause de la sueur.

— Katia ? Quelque chose ne va pas ? lui demandai-je à voix basse.
— Je... Désolée de te réveiller à cette heure, répondit-elle à même hauteur, mais j’avais besoin de te parler.
— Me parler ? De quoi donc ?
— Oh, rien en particulier... J’ai surtout du mal à dormir et... Est-ce que je peux entrer, Cyriel ? S’il-te-plaît...

Elle m’intriguait. Elle semblait pressée d’être dans ma chambre. Peut-être qu’elle souhaitait me parler de quelque chose en privé, me dis-je tout simplement. De toute manière, je ne voyais aucune raison de lui refuser cela. J’ouvris un peu plus la porte, l’invitant à passer. En retournant auprès d’elle après avoir fermé, elle me demanda dans sa politesse habituelle si elle pouvait s’asseoir sur le lit. Je lui dis en plaisantant un peu qu’elle pouvait faire comme chez elle, ce qui la fit rire. Elle se posa alors non loin de la table de chevet pour y laisser sa bougie à côté de la mienne. Son regard se perdait dans la flammèche qui éclairait son visage. Elle me semblait moins tendue mais tout de même fatiguée.
Préférant rester debout, je me posai contre la table où reposait mon épée pour rester face à Katia, les bras croisés. Nous étions tous les deux silencieux, moi qui attendais tranquillement qu’elle me dise quelque chose. Ceci dit, le calme qu'il y aurait pu avoir dans la pièce se retrouvait bien vite briser par l'eau frappant sur la vitre. Ses yeux se baissèrent, fixant à ce moment-là le coin du meuble, puis elle souffla faiblement du nez. À force de ne rien dire, elle m’inquiétait vraiment.

— Qu’est-ce qui t’arrive, Katia ? laissai-je sortir par impatience. Tu es toute pâle. Tu es malade ?
— Non... mais on ne peut pas dire que je me sente bien pour autant... Pardonne-moi si je fais cette tête, je me suis réveillée en sursaut à cause d’un horrible cauchemar et je n’arrive pas à me le sortir de la tête...

Elle passa sa main sur son visage. Elle avait l’air de vouloir retenir quelque chose. Je sentais qu’elle en souffrait et la voir ainsi me pouvait que me faire mal aussi. Bien que ma petite touche d’ironie l’eût détendue quelques minutes avant, elle était devenue bien plus torturée. Il me fallait la rassurer pour qu’elle laisse échapper cette chose qui la dévorait de l’intérieur.
Je décidai de quitter mon bureau pour aller m’asseoir à ses côtés. J’avais la furieuse envie de lui prendre la main mais je me retins, pensant que ça serait déplacé de ma part. Elle me lança un regard qui gardait encore ce mal en elle. Pourtant, elle avait besoin que ça sorte. J’imagine qu’elle ne souhaitait que je l’aide à se sentir mieux, maintenant je me remémore de son regard. Je remarquai alors que j’avais déjà pris sa main droite dans la mienne. Moi qui ne voulais pas la brusquer, j’avais l’impression que mon corps se sentait obligé de lui montrer mon soutien. Vu qu’elle semblait se laisser faire, je n’avais plus qu’à la mettre à l’aise.

— Ce cauchemar... Tu veux m’en parler ? Peut-être que ça t’aiderait pour qu’il parte de ton esprit.

Elle tourna subitement sa tête vers le sol.

— J-Je ne veux pas t’embêter avec ça...
— Tu ne m’embêtes pas du tout. Katia, si tu es venue me voir, c’est bien pour en parler, non ?
— Je... Je ne sais pas...

Je sentis alors sa main trembler dans la mienne. Sa respiration s’accéléra aussi. Elle devait sans doute se remémorer ce mauvais rêve qui la tourmentait. J’eus le réflexe de la calmer en serrant un peu plus mes doigts.

— Ça va aller... Souffle tranquillement... Là... Prends tout le temps qu’il faudra et tu commenceras quand tu te sentiras prête, d’accord ?

Elle se contenta d’hocher la tête entre deux respirations pour me répondre. Elle était complètement perdue à cause de tout ça. Je sentis ses doigt délicats et apeurés fermer notre poigne, comme si elle cherchait à se retrouver avec ma présence. Même ses yeux étaient revenus sur moi. Je lui adressai un sourire bienveillant et sentis que cela avait de l’effet. Elle était devenue bien plus sereine, prête à me raconter ce douloureux souvenir.

— Au début... J’étais dans les jardins du château. Il faisait beau et je marchais tranquillement. Je ne sais pas si je profitais du bon air ou si je cherchais quelqu’un. J’avançais tout simplement mais, petit à petit, j’avais une drôle de sensation. Je n’avais vu personne depuis que je me promenais. Aucun serviteur, aucun garde, rien. J’avais l’impression que quelque chose n’allait pas. En plus de cela, les jardins me semblaient étrangement plus grands que d’habitude. Comme si j’en avais déjà fait le tour deux ou trois fois. C’est là que j’ai entendu des pas derrière moi... mais, quand je me suis retournée, il n’y avait personne. Pourtant, j’entendais toujours les pas qui s’approchaient de moi. Il n’y avait même pas de trace au sol, rien. Juste le bruit. Je commençais à avoir peur à ce moment-là. J’appelais Yoko pour savoir si elle était dans le coin mais pas de réponse. J’avais donc décidé d’accélérer le pas pour sortir des jardins, espérant vous voir toi et elle sur le chemin. C’est là que les pas ont commencé à me poursuivre. J’avais beau courir, courir, courir... je n’arrivais pas à quitter ces maudits jardins. Je me retournais par moment et il n’y avait toujours rien. Personne. Ma peur grandissait, au point que j’en étais venue à paniquer. Puis j’ai entendu quelqu’un dire mon nom au loin. Je m’arrêtais donc pour chercher d’où ça venait mais je ne voyais toujours personne. La voix se rapprochait. Elle résonnait même dans ma tête...

Elle marqua une petite pause. Je caressai doucement sa main pour l’encourager. Elle prit une grosse respiration puis continua :

— Ensuite... j’ai compris que la voix ne m’appelait pas seulement par mon nom. Elle disait... « Princesse Katia ». Je ne comprenais pas... puis, en me retournant... ce fut un choc. Je... Je t’ai déjà parlé de Lydie, n’est-ce-pas ? (Je me contentai d’hocher la tête.) L’arbre où elle avait été pendue... Il avait repoussé d’un coup. Il se tenait face à moi mais il n’avait plus aucune feuille. Son tronc était même devenu grisâtre, comme s’il était mort... Et là... il s’est mis à bouger... Il tournait sur lui-même. Le ciel en devenait même rouge... Je reculais devant ce qu’il se passait. J’étais complètement perdue. Puis la voix recommença. « Princesse Katia... Princesse... ». Avant même que je ne crie « qui est là », quelque chose était accroché à une des branches... C’était elle, Cyriel... C’était Lydie...

Des larmes coulèrent sur ses joues pendant que sa main se crispa. Je ne pouvais qu’imaginer l’horreur que cela pouvait être. Je continuai de la rassurer du mieux que je le pouvais.

— Elle avait toujours ce visage... Le même que quand je l’ai vue ce jour-là... Cette expression de terreur dans ses yeux... On aurait dit que ce souvenir douloureux était revenu pour me hanter... J’étais figée par la peur alors que je voulais m’enfuir le plus loin possible... Puis elle s’est mise à bouger... Sa tête s’est tournée vers moi et elle me fixait avec ces yeux... Elle s’était mise à pleurer du sang et m’a dit : « Princesse Katia... Pourquoi m’avez-vous fait ça... ? » Je n’osais pas parler... Elle répétait alors le même mot de plus en plus fort... « Pourquoi ? ». Je me suis mise à hurler qu’elle cesse... et après ça, je me suis réveillée... Je n’ai pas crié dans mon lit, tu m’aurais entendue, j’imagine... mais j’avais les larmes aux yeux et le front en sueur... Oh, bon sang...

Elle n’arrêta pas de pleurer, même après avoir raconté cette longue histoire. Sa respiration s’était aussi accélérée. Je compris qu’elle avait réussi à se retenir avant d’éclater en sanglots puis partir se coller contre moi. Elle écrasa mon torse avec sa joue, cherchant à s’y enfoncer le plus loin possible. J’étais complètement surpris de la voir dans un tel état. J’en avais même le cœur brisé. Je l’enlaçai alors de mon bras gauche, essayant de doucement l’apaiser. Il lui avait bien fallu cinq bonnes minutes pour qu’elle devienne un peu plus sereine. Malgré ça, elle ne se dégagea pas. Elle semblait ne plus vouloir quitter mon étreinte. Pour dire vrai, elle s’y était même installée en y posant sa main sur ma poitrine. Maintenant que j’y pense, je n’étais absolument pas gêné. Tout ce que je voulais sur le moment, c’était qu’elle se sente bien, qu’importe dans quelles conditions.
Nous restâmes ainsi, laissant le temps à la pluie de se calmer un instant avant de reprendre de plus belle. Je pouvais sentir son souffle même à travers ma chemise. Ce n’était pas désagréable. Après un petit soupir de sa part, Katia m’avoua faiblement :

— Je suis désolée...
— Pourquoi ?
— Je me comporte comme une enfant... Ce n’est pas digne d’une reine...
— Tout le monde peut avoir des moments de faiblesse. Même un souverain.
— C’est vrai...

Un nouveau silence emplit la chambre.

— Merci...
— Il le faut bien... Je suis ton chevalier, non ?
— Tu es plus que ça, Cyriel... Tu es un véritable ami sur qui je peux toujours compter...
— Ça me touche.
— Tu sais... Ça doit bien faire plusieurs jours que je ne me sens pas dans mon assiette. Parfois, je marche tranquillement dans un couloir et... j’ai l’impression de l’entendre...
— Qui donc ? Lydie ?

Elle secoua doucement la tête.

— Dame Peur... Depuis que je l’ai vue, j’ai l’impression qu’elle hante mes pensées. Je me suis même demandée si elle ne m’avait pas lancé un maléfice... mais Ynaris m’a assuré que non. Je suis tout simplement stressée...
— Tu devrais prendre un peu plus de temps pour toi, lui recommandai-je. Pour te reposer.
— Peut-être, oui... J’ai besoin de souffler un peu...

Le silence reprit place quelques instant.

— Je me comporte comme une enfant, ajouta-t-elle tout bas. Une stupide enfant.
— Katia...
— Ça m’obsède... Ma mère n’arrêtait pas de m’appeler comme ça quand j’étais petite... Ces deux mots sont ancrés dans ma tête depuis...

Je la sentis retirer sa main de mon torse pour la poser sur son ventre. Je me demandai sur le coup si elle n’avait pas un léger malaise.

— Ça va ?
— Oui, oui... Ne t’en fais pas, je vais bien... Je vais mieux même. Cyriel, je peux te poser une question bête ?
— Bien sûr.
— Est-ce que... ma mère est réellement morte ?

Elle m’étonna avec une telle question. Je penchai la tête sur le côté pour la regarder. Elle fixait le sol sous la porte, sans aucun sourire. J’haussai un sourcil.

— Pourquoi tu me demandes ça ?
— Je n’en sais rien... Je doute de tout en ce moment. Et puis, je ne l’ai pas vue quand...
— Je suis resté avec le seigneur Aldrich quand sieur Dollam t’a fait sortir de la salle du trône. Je peux t’assurer que je l’ai bel et bien vu lui trancher la tête de son épée.
— D’accord. Je te crois. Pardonne-moi...

Elle se blottit un peu plus contre moi. Je ne pouvais pas lui en vouloir d’être comme ça. Je jetais un coup d’œil sur sa chandelle. Il ne lui restait plus beaucoup de cire.

— Penses-tu pouvoir retourner dans ta chambre ? lui demandai-je en la gardant près de moi. Tu veux que je te raccompagne ?

Elle ne répondit pas. Elle semblait réfléchir sur ce qu’elle voulait réellement.

— Ça ne te dérange pas si... si je dors avec toi, cette nuit ?

En temps normal, j’aurais longuement hésité. Mais étant donné les circonstances...

— Si ça peut t’aider à te sentir mieux, bien sûr...
— Merci beaucoup...

Nous ne bougeâmes pas encore un bon moment avant d’enfin nous décider à aller nous coucher. Je levai la couverture pour qu’elle puisse s’y engouffrer la première pour ensuite la rejoindre. Pendant qu’elle cherchait une position confortable, je soufflai sur sa bougie pour que nous nous retrouvions dans le noir. Je sentis qu’elle me cherchait avec sa main. Je l’attrapai avant de me rapprocher doucement d’elle. Je distinguai à peine son visage mais vis qu’il se rapprochait du mien pour y déposer un doux baiser sur ma joue. Vous n’imaginez pas le coup de chaleur que j’eus à cet instant.

— Tu es vraiment une personne formidable, Cyriel, dit-elle calmement. Quelle chance j’ai...

Je ne savais plus quoi répondre. J’étais complètement perdue à cause de ce bisou qu’elle m’avait offert. Quand j’arrivais enfin à trouver les mots, elle s’était déjà endormie.

— Et moi donc...