Libération


Authors
Hynek
Published
3 years, 11 months ago
Stats
3464 2

Mild Violence

Retenu captif dans les geôles de Fort Hansey, Nanti utilise ses dernières forces pour tenter de s'échapper. Heureusement, une aide providentielle est en chemin.

Theme Lighter Light Dark Darker Reset
Text Serif Sans Serif Reset
Text Size Reset

Nanti sortit brutalement de son assoupissement, soudainement troublé, et manqua basculer sur le côté, un instant chaviré par ses sens ; il ne se souvenait pas s’être endormi assis.

La fatigue ne suffisait plus à éclipser sa douleur, qui lui revint comme un coup de fouet sur sa peau nue. La large entaille fendant son abdomen se réveilla d’abord, bientôt suivie par les craquellements du sang séché sur les entailles de ses épaules. Puis, les multiples éraflures parsemant son dos et son visage vinrent à nouveau l’accabler d’insidieuses sensations de démangeaisons, comme si les blessures elles-mêmes l’enjoignaient à s’écorcher de plus belle.

La présence du mur de pierres froides et humides contre ses omoplates l’interpella un instant : il ne se souvenait pas non plus s’être traîné jusqu’à la paroi, contre laquelle il était à présent affalé, les mains toujours liées dans son dos. Les anneaux de métal avaient tant assailli ses poignets de caresses abrasives qu’il était certain d’en avoir saigné.

Il tenta de se redresser, avant que son dos ne lui rappelle ses meurtrissures, cadeau latent des coups qu’il avait reçu. Sa colonne vertébrale, que la position dans laquelle il avait dû dormir n’avait pas ménagée, accusa quelques élancements lancinants avant d’obéir finalement.

Son esprit peinait à faire surface, encore embrumé de songes morbides que son sommeil tourmenté lui avait servi en guise d’encouragements. A plusieurs reprises, il s’y était vu mourir, se vidant de son sang sous les coups de ses tortionnaires. Son imagination s’était fait un malin plaisir que de lui offrir l’image de son propre corps, les membres arrachés, agonisant, déchiré par la douleur, ravagé par le feu et les lames. Il s’étonnait que de tels cauchemars n’aient suffit à le réveiller : peut-être que l’épuisement l’en avait empêché.

Maintenant que plus aucune lumière ne filtrait au travers des barreaux de la large porte de chêne, sa cellule baignait dans l’obscurité la plus totale, et ses yeux brûlants de fatigue peinaient à discerner le moindre détail de son environnement proche : on devait avoir éteint les torches du couloir pendant son sommeil.

Il ne savait même pas qui l’avait capturé : les hommes d’armes qui lui étaient tombés dessus à bras raccourcis avant de le maîtriser avaient tout l’air de mercenaires, d’après leurs tenues disparates et trop personnalisées pour faire partie d’une quelconque milice. Quant aux gardes du fort dans lequel il était emprisonné depuis une dizaine de longs jours, aucun n’abordait de signe distinctif qui aurait pu l’amener à reconnaître son agresseur.

Cependant, Nanti savait parfaitement pourquoi il était aux fers depuis tout ce temps dans ce qui s’avérait être les profondeurs de Fort Hansey, pourquoi il était régulièrement torturé et pourquoi un loup de sa condition n’avait pas droit à un traitement plus adéquat qu’un cachot humide dépourvu de couchette et des repas à base de croûtons trempés dans une bouillie infâme qu’il avait toute les peines du monde à avaler, privé de ses mains et peu aguiché par les relents et le goût âpre de ce qui lui servait de pitance.

Personne ici n’accordait une once d’importance à sa vie : si son existence intéressait encore probablement le maître des lieux, c’était uniquement grâce à l’information qu’il détenait et retenait cachée à ses bourreaux depuis ce qui lui apparaissait désormais une éternité.

« Où est le Cristal Cyan ? » n’avait-on eu de cesse de lui répéter, une question lancinante traversant son crâne de ses aiguilles, perchée sur une voix rauque, toujours la même, incapable de céder à l’impatience toujours grandissante qu’il avait cru percevoir dans ses accents rageurs. Cette petite pierre bleue lui avait toujours apporté plus d’ennui que de réconfort, lui semblait-il. Comment vivre dans un monde où les plus puissants convoitent vos biens les plus précieux ? Y’avait-il un seul seigneur en Esmera capable de lui apporter son aide plutôt que de chercher à s’emparer de son cristal ?

Nanti n’avait jamais su qui vivait à Fort Hansey. Tout ce qu’il connaissait du maître des lieux était son désir de pouvoir manifeste, et son goût pour la violence, l’ayant à plusieurs reprises aperçu dans la salle où il subissait ses tourments, observant ses réactions sans pour autant parvenir à discerner les traits de son visage masqué dans l’ombre.

L’un de ses uniques réconforts, outre l’espoir que quelqu’un parvienne un jour à retrouver sa trace depuis son campement, était la déception certaine du seigneur qu’entraînait sa propre capacité à encaisser les pires châtiments sans céder : ces nombreux jours n’avaient pas été suffisants à lui faire cracher la vérité, et l’endroit à il avait caché le précieux artefact restait inconnu à ces avides idiots.

Péniblement, Nanti se redressa, prenant appui tant bien que mal sur les parois de sa prison. Pour autant que sa résignation l’ait aidé à survivre aux affres de son calvaire, il se devait de l’abandonner. Il se savait incapable de résister indéfiniment à la souffrance, et préparait son évasion depuis qu’il s’était aperçu qu’aucun garde n’était assigné à sa porte, ces derniers se contentant de rondes de gardes régulières et suffisamment espacées pour lui accorder de longes heures de solitude.

Le piton métallique encastré dans la pierre qui retenait la chaîne de ses menottes avait un peu de jeu, que Nanti cherchait à accentuer dans l’espoir de se libérer de la contrainte que lui infligeaient ses liens. La chaîne limitait ses déplacements à l’un des coins du cachot, le privant du loisir d’arpenter la petite salle, confiné au territoire formé par la demi-douzaine de dalles qu’une telle restriction lui accordait de fouler.

Chaque fois qu’il avait l’occasion de regagner sa cellule, privé de toute notion du temps extérieur, Nanti alternait repos et travail, utilisant le peu d’énergie que ses séances de torture lui laissaient pour s’acharner contre la pointe d’acier, tordant son dos et déchirant ses poignets pour tenter d’effriter la roche, gagnant chaque jour un indicible écart, s’infligeant une mutilation supplémentaire que seule la satisfaction provoquée par les crépitements des éclats de granites contre le sol venait récompenser.

La dernière fois qu’il s’était essayé à arracher le pieu de son logement (Hier ? Aujourd’hui ? Il n’en savait rien), Nanti était parvenu à détacher un gros morceau de roche du mur au terme d’une longue lutte. Désormais investi d’une volonté qui faisait fi de son inévitable faiblesse, il était décidé à terminer son ouvrage, réfléchissant déjà aux multiples façons de s’évader qui s’offraient à lui, comme aux scénarios décrivant l’avortement de sa tentative de fuite, tout aussi nombreux.

Ses poignets accusèrent le coup de sa première secousse, réveillant les blessures dans lesquelles s’enfonçaient à nouveau les anneaux de métal. Nanti s’efforçait d’oublier les élancements qui parcouraient son corps à chaque mouvement, tirant par à-coups sur ses liens, sans discontinuer, serrant les dents. Une à une, ses plaies se manifestèrent de nouveau, à mesure qu’il s’acharnait avec plus de violence.

Il ne pouvait retenir ses soupirs de douleur, mais restait trop captivé par sa tâche pour s’en détacher. Ses genoux commençaient à trembler de fatigue, et ses bras refusaient de réduire la tension qu’il leur infligeait, comme si ses articulations s’étaient grippées sous l’intensité de son effort. Cependant, il sentait la poussière tomber à ses pieds, accompagnée de quelques morceaux plus gros, de plus en plus présents. Il les comptait à l’oreille, se réjouissant de chacune des cristallines clameurs accompagnant leur chute, redoublant d’ardeur. Lorsque le piton sortit partiellement de sa gangue de roche, au terme d’un à-coup qui arracha un gémissement au loup éreinté, ce dernier ne put s’empêcher de sourire béatement, avant de tirer de plus belle, conduisant ses poignets au supplice.

Sa propre traction envoya Nanti s’écraser contre les pavés ruisselants. Son genou encaissa la majorité du choc, et un réflexe miraculeux envoya son épaule gauche buter contre la pierre à la place de son crâne, incapable qu’il était de se protéger à l’aide de ses bras immobilisés. Incrédule, sonné, il se retourna sur le dos, contemplant la sombre auréole laissée à l’emplacement de la pointe en métal ainsi que la lourde chaîne, étalée sur le sol.

Le sourire enjoué qui s’afficha sur son visage ne fut qu’éphémère : le genou molesté commença brusquement à l’élancer, si bien qu’il en vint à se demander s’il ne s’était pas fracturé la rotule dans sa chute.

Il était loin d’être tiré d’affaire. Libre de se déplacer dans ce cachot, il y restait enfermé, les mains toujours entravées. Il peina à se remettre d’aplomb, son épaule démise refusant de le supporter et sa jambe chancelant sous son poids. Une fois debout, il resta en arrêt face au fruit de ses efforts, s’étonnant que la pierre à laquelle il était enchaîné se soit fragmenté à ce point, laissant à sa vue un cratère bien plus large que le piton.

Soudain, une intense clameur, étouffée par la distance et les murs, se fit entendre au loin. Nanti, alerte, oublia momentanément ses blessures pour s’approcher rapidement des barreaux de sa porte, tentant de connaître l’origine de tels cris. Une écoute plus minutieuse lui appris qu’on se battait dans les couloirs, et les bruits de lames qui s’entrechoquent ne cessaient de progresser dans sa direction. Un assaillant ?

Il s’écarta brusquement de son observatoire, réfléchissant à toute allure. On attaquait le fort, et les cachots étaient pris d’assaut. S’il avait une quelconque valeur aux yeux du maître des lieux, ce dernier avait probablement dépêché quelques-uns de ses soldats pour le récupérer avant que les intrus ne parviennent à lui. Concernant ces derniers, l’idée l’effleura un instant qu’ils puissent simplement convoiter sa puissance au lieu de venir le secourir. S’il conservait l’espoir que l’on vienne le secourir, Nanti restait réaliste : bien plus de seigneurs en Esmera étaient aptes à déployer des guerriers pour s’emparer de lui plutôt que pour le sauver.

Il était désormais bien plus libre de ses mouvements, et ses geôliers ne s’attendaient pas à ce qu’il puisse être une menace pour eux, pas plus que les assaillants ne savaient dans quel état il se trouvait. Il devait les prendre par surprise, mais pourquoi faire ? Immobiliser l’un d’entre eux, dans l’espoir que les autres ne le trouvent pas ? Prier pour trouver un moyen de se débarrasser de ses chaînes une fois prisonnier des interminables couloirs de la forteresse ?

De furtifs pas précipités atteignirent rapidement l’entrée de sa cellule, tandis que dans les entrailles du fort chantait encore l’acier. Quelqu’un était discrètement parvenu à lui, esquivant les lugubres échos de la bataille qui ne cessait de s’approcher. Le sang de Nanti gela instantanément dans ses veines : ce pouvait-il qu’il ait eu raison ? Ne prenant le risque d’observer la silhouette qui s’échinait à déverrouiller les massives serrures, le jeune loup s’aplatit contre le mur, prêt à se jeter sur celui qui ne manquerait pas de franchir le seuil de sa cellule, écoutant résonner sous son crâne chaque cliquetis familier, comme un irrégulier et immuable décompte, celui qui rythmait sa vie depuis bien trop longtemps.

Le grincement des charnières électrisa jusqu’au dernier recoin de son être. Nanti s’élança en hurlant sur l’ombre qui lui faisait face, décidé à l’assommer d’un coup de crâne. La fin de sa course fut aussi fulgurante que son départ, et il s’effondra au sol, ayant glissé sur la roche humide, sa jambe contuse incapable de réagir à son soudain élan. Il était désormais magnifiquement positionné pour attaquer à coups de cheveux tout ce qu’il pouvait apercevoir de son adversaire, c’est-à-dire ses chaussures.

« Nanti ! » Le cœur de l’interpellé chavira à l’appel de son nom. Il connaissait cette voix. Il pouvait la distinguer d’entre un millier d’autres. Lentement, prenant garde à ne pas détruire ce qui restait intègre dans son corps meurtri par sa sottise, il se ramassa sur lui-même, avant de pouvoir finalement se redresser et s’asseoir face à celle qui était venu braver les murailles et les soldats de Fort Hansey pour le sauver. Celle qu’il n’attendait plus depuis longtemps, de peur qu’elle n’hante ses rêves et n’alimente sa folie quand la captivité aurait eu raison de sa foi. Celle qu’il n’avait pu oublier malgré ses efforts, tant son souvenir d’elle avait resurgit vif et extatique de sa mémoire brûlée.

En face de lui se tenait Minami, qui l’observait désormais comme s’il revenait d’entre les morts.

— Nanti, c’est bien toi !

Elle se précipita sur lui, s’agenouilla à même le sol, devant lui, empoignant ses épaules, ses yeux captant avec une peine grandissante chacune de ses blessures, incapable de croiser de temps à autre le regard de Nanti, comme si elle s’empêchait de s’y plonger. Cependant, sa volonté ne tint pas assez longtemps pour lui permettre de se contenir, et Minami l’enlaça, prenant soin d’éviter de croiser la moindre de ses plaies sanguinolentes. Il enfouit naturellement son front contre le repli de son cou, comme pour se prouver définitivement qu’elle était bien réelle. Il captait sa chaleur, se délectait du son de chaque battement de son cœur, comme si tous étaient si propres à Minami qu’il croyait les reconnaître. Il s’enivrait de son odeur et des reliefs troublés qu’il pouvait observer à même sa peau noire, incapable de penser, incapable de croire à un rêve si convaincant : si c’était l’un d’eux, qu’il dure et perdure.

Lorsque leur étreinte cessa, le plus incroyable des soulagements s’empara de son esprit. Il ne voyait plus qu’elle, resplendissante dans sa cape couverte de suie, sa chevelure bleutée salie par son passage dans le tréfonds de la forteresse. Son regard était définitivement perdu dans le sien, pour une éternité annihilant le souvenir de ses longs jours de souffrance. Ils étaient de nouveau réunis, et rien ne les séparerait à nouveau.

Le songe euphorique Nanti cessa brutalement lorsqu’il entendit, comme étouffé par de l’étoffe au creux de ses oreilles, le lourd craquement d’une porte brisée, tandis que les entrechoquements de métal se firent bien plus insistants, résonnant contre le cristal de la sphère idyllique où il avait enfermé l’instant présent. Minami lança un regard inquiet à l’ouverture du cachot, avant de reporter son attention sur son protégé, dont l’état déplorable ne lui procurait que révolte et tristesse.

— Ca va aller… murmura-t-il dans un souffle, fixant toujours Minami de ses yeux sombres et cernés par l’épuisement.
— Je vais te sortir de là.

Ce disant, elle jeta un autre regard à la porte, craignant l’arrivée d’un des soldats, et se mit à fouiller l’une des poches de sa cape, avant d’en sortir un petit objet, qu’elle tint à hauteur des yeux de Nanti. Le Cristal Cyan, l’unique raison de son emprisonnement et de ses affres, pendait au bout de la chaînette de cuir que lui tendait Minami, pris d’un léger balancement, comme d’humeur joueuse à l’idée de retrouver son porteur.

— Je t’ai retrouvé grâce à lui. Quand j’ai vu ou tu l’avais laissé, j’ai… j’ai su ce qu’il t’était arrivé. J’ai suivi la progression de Voeren, et j’ai profité de son assaut pour m’infiltrer dans Fort Hansey. Ensuite, c’est comme s’il m’avait guidé vers toi.

Minami déposa le pendentif autour du cou du jeune loup, laissant la gemme envahir son torse balafré d’un puissant éclat bleuté, rassurant son hôte de son puissant potentiel, émanant à chaque instant des palpitations de l’artefact. Puis, elle s’empressa de contourner Nanti, libérant de leurs anneaux ses poignets déchirés, à l’aide d’une des clés que portait le trousseau qu’elle enserrait dans sa main droite.

Il joignit enfin ses mains devant lui, chassant les violentes courbatures prenant d’assaut ses membres. Endolori par ses récentes chutes, il massa lentement son épaule démise, avant de tenter de se relever à nouveau. Minami lui prêta sa main, lui offrant les appuis qui lui manquaient. Ils se hâtèrent ensuite vers la sortie, ralentis par la démarche titubante dont Nanti était incapable de se défaire.

Franchir pour ce qu’il espérait être une dernière fois le seuil de sa cellule rassura profondément Nanti, qui regagna de son aplomb dès que la voix de Minami l’exhorta à la suivre dans le dédale d’escaliers qui s’offrait à eux, du côté opposé au grondement du combat, plongeant dans les profondeurs du château.

Tandis qu’il s’efforçait de conserver l’allure pressée de sa libératrice, Nanti observait chacun de ses mouvements, captivé par sa présence. La faible lueur de la torche qu’elle portait pour éclairer leur chemin ne semblait illuminer que sa silhouette, irradiant sa vision et incendiant son esprit. Il ne voyait plus défiler les murs sur leur passage, il ne faisait plus attentions aux marches sous ses pas, il en oubliait jusqu’au bruit de leur fuite précipitée. Il ne voyait plus qu’elle, guidant ses actes et ses pensées, comme envoûté par sa présence. Que faire alors que l’espoir le récompensait de sa peine en exauçant ses plus folles espérances ? Avait-il le droit de croire en ce rêve éveillé ?

Le flot de marches cessa bientôt de les entraîner vers les entrailles du monde, rejoignait un curieux entrecroisement de longues galeries. Sans hésiter un seul instant, Minami emprunta l’un des embranchements, Nanti sur ses talons. Une longue tranchée parfaitement rectiligne s’offrait à eux, leur pas résonnant contre la roche sombre. Au bout d’une longue course, ils bifurquèrent dans une partie bien plus large du couloir, aux parois circulaires et couvertes de moisissures, empreintes d’infâmes relents de pourriture. Minami dégaina instantanément son épée, faisant face à ce que Nanti mit un temps à apercevoir.

Une demi-douzaine d’hommes en arme venaient de les repérer, à quelque distance d’eux. Il esquissa un mouvement de recul, comme pour fuir la menace, avant de constater que Minami n’avait pas bougé d’un pouce, attendant avec assurance la charge beuglante de ses assaillants, sa lame impatiente de croiser celles qui s’avançaient à sa rencontre avec tant de hargne.

Il avait compris qu’ils ne pouvaient fuir. Ils n’avaient pas à le faire.

Nanti ne put s’empêcher de sourire en observant les ciselures de givre parcourir ses mains crispées. Les cristaux s’allongeaient sous sa volonté, captant d’infimes flocons au cœur de l’onde venteuse pour renforcer l’ire de son sortilège. De véritables griffes de glace se formaient sur ses doigts, se joignant progressivement au-dessus de sa paume. Puis, il observa Minami, son arme ceinte dans sa main tendue, en garde face à leurs ennemis.

Elle l’avait libéré. Libéré de sa solitude. Libéré de sa peine. Il libéra la déflagration, exécutant immédiatement son vœu tacite : rien n’avait le droit de nuire à l’éternel dialogue de leurs deux âmes.