"Je ne crois pas qu’en perdant ceux qu’on aime 
on conserve son âme entière." 

De l'amour...

Fils d’une famille de chasseurs, Sayf vivait paisiblement dans les montagnes. Il était l’aîné d’une fratrie de deux garçons et chérissait son petit frère, Valor, admiratif de sa douceur et son innocence. Les deux frères étaient d’excellant chasseurs : ils connaissaient la forêt comme leur poche, maîtrisaient les arts du couteau et de l’arc ainsi que la traque, savaient survivre dans les tréfond les plus sombres et se créer un abri à partir d’un simple tronc. Les différences entre eux étaient dû à l’expérience de l’âge et cet écart se comblerait bien facilement aux fils des ans. Unis comme deux frères pouvaient l’être, les deux jeunes garçons partageaient en plus un intérêt pour les contes des anciens, les récits des voyageurs, les fables des marchands. Des histoires de monstres, de guerriers et de princesses en détresse à sauver. Une vie d’aventure qui les faisait rêver du fond de leurs montagnes, eux qui n’avaient jamais rien traqué de plus gros qu’un cerf. Malheureusement pour eux leur famille n’était pas très riche et ils n’étaient pas assez naïfs pour partir à l’aveugle la bourse vide traquer des êtres à la force surhumaine. Alors les deux jeunes hommes continuaient de rêver, de fantasmer des aventures au fond de leur forêt, de s’imaginer traquer plus que du gibier lors de leurs excursions.
Cette vie était partie pour se poursuivre, les jours se suivant sans réellement se ressembler ou être différent, mais c’était sans compter sur une prophétie qui parvint un jour à leur village. Une prédiction qui parlait d’un héros aux yeux gris qui descendrait un jour des montagnes pour sauver les royaumes de la guerre et enfin leur rendre leur harmonie d’entant. Un cœur pur et vaillant, un courage naïf et des yeux clairs… cette description allait si bien à Valor que rapidement les villageois commencèrent à murmurer sur leur passage avant de commencer à le traiter puis l’acclamer en héros. Au début jaloux de cet intérêt pour son cadet, de la destinée qui tendait les bras à ce dernier, Sayf fini par se raisonner et accepter qu’il ne serait pas le héros à la belle destinée. Il convint les villageois de l’aider à trouver et acheter une relique qui pourrait aider son frère et une fois fait, ce dernier pourrait partir librement à l’aventure cueillir sa destinée. Ils parvinrent à acquérir une boussole aux rebords couverts de symboles anciens, un artefact qui lui permettrait de toujours savoir où les dieux voudraient guider ses pas pour savoir où on avait besoin de ses services.
Dans un premier temps Valor voulu convaincre son frère de venir avec lui, de partager sa légende et d’avoir son nom à côté du sien dans les histoires, mais Sayf prétexta à chaque fois que l’un d’eux devait rester aider et protéger leurs parents, s’assurer qu’ils ne manquent de rien. En réalité il jalousait la destiné de son frère et refusait que cela interfère dans leur relation, il voulait garder l’image du frère encourageant et doux qu’il avait toujours eu. Valor finit par prendre la route avec une caravane de marchand en direction du temple le plus proche afin d’être sûr de ce qu’il devait faire. Pour lui c’était le meilleur endroit pour recevoir ses premières instructions.

...à la haine

Les mois passèrent et Sayf fût d’abord inquiet de n’avoir aucun retour d’acte héroïque de son frère, jusqu’à ce que doucement leurs parviennent l’histoire d’acte assez brave et naïf pour être du fait de Valor. Il se rassura mais sa joie fut de courte durée car après une nouvelle période de calme se furent d’autres propos qui lui parvinrent : on se mit à murmurer dans leur dos, à dire qu’élu des dieux ou non, ce garçon était bien trop jeune et naïf, qu’il n’aurait jamais dû partir seul, que sa destinée était peut-être prématurée. Bientôt les murmures furent rejoint par de bien sombres rumeurs : on commença à dire que Valor avait disparu, qu’il était mort comme un chien, oublié dans des ruines ou une fosse, perdu au fond d’une ravine. Sayf n’en croyait pas un seul mot, il voulait avoir confiance en son frère et en son destin, les dieux qui leur avait apporté une description si proche de celle de son frère. Les doutes et l’inquiétude prirent cependant le pas sur la raison et toute la naïveté qu’il aurait encore pu avoir, une inquiétude qui lui dévorait le ventre et se mêlait à sa culpabilité jusqu’à l’empêcher de dormir. Il aurait dû aller avec lui, l’accompagner ! Sa jalousie l’avait poussé à rester en retrait et maintenant son frère était peut-être en danger ! Le jeune chasseur décida de quitter la montagne pour partir à la recherche de son petit frère, déterminé à ne plus l’abandonner et à rester à ses côtés pour accomplie se destiné !

Il voyagea un long moment, rencontrant quelques difficultés pour retrouver la trace de son frère mais ce n’était rien d’impossible pour un traqueur comme lui. Il avait poursuivi des proies bien plus grosse et bien plus discrète sur des territoires bien plus chaotiques et avares d’informations. Dans un premier temps il se rendit au temple puis doucement Sayf remonta les pistes, les rumeurs, les histoires qui étaient associées à son frère. Peu à peu ses pistes se refermèrent, jusqu’à le conduire aux ruines d’un village de Lapis. C’était le dernier endroit où le nom de Valor avait été prononcé, depuis plus aucune trace de lui. Sayf chercha longuement, errant dans les ruines, cherchant à comprendre ce qui avait conduit son frère ici. Ses informations disaient que c’était un quartier assez riche, un endroit paisible pour les personnes fortunées… qu’est-ce que son frère était venu faire ici ? Pourquoi les dieux avaient conduit leur héros ici ? Quel genre de quête glorieuse aurait pu le conduire là ? À mesure qu’il approchait du cœur des ruines Sayf sentait sa rage monter, une amertume qui le consommait petit à petit. Pourquoi ?! Il voulait comprendre.
Après de longues heures un objet fini par attirer son attention. Quelque chose de rond, qui bien que sali par le suif se devinait intact sous la crasse et dont la flèche tournait de temps à autre, portée par le vent qui arrivait à s’engouffrer dans quelques interstices. Une boussole… la boussole de Valor ! Des sentiments de chagrin, de désespoir, de détresse profonde se mêlèrent dans le cœur du jeune homme. Pour que cet objet soit abandonné ici, c’est qu’il était en effet arrivé quelque chose à son précieux petit frère, mais quoi ? Comment ? Comment c’était arrivé ? Il s’approcha de l’artefact et plus il approchait, plus sa tristesse se muait en colère, jusqu’à atteindre la rage pure. Alors c’était ça le destin de son frère ? C’était ça le destin d’un héros ? Vraiment ?! Et Valor… pourquoi avait-il été obligé de se comporter ainsi, de suivre cet appel absurde ?! Un gamin pur et innocent ? N’importe quoi ! Il avait juste couru après la gloire, sinon pourquoi serait-il allé se perdre ici ?!
Les rumeurs et les murmures lui revinrent en tête, comme soufflé par les ombres, faisant gonfler la colère déjà bien ancrée dans son cœur. Son frère était réellement mort ? Les dieux avaient tué leur élu sans plus de réflexion ? Impossible. Déterminé à trouver la vérité et comprendre Sayf tendit la main pour se saisir de la boussole avant de quitter ses lieux, mais lorsque ses doigts se refermèrent sur le métal il comprit son erreur : les symboles tout autour… ils étaient différents. Très différents ! Un œil s’ouvrit brusquement sur le dessus de l’artefact et une vive douleur lui perça le torse alors que la rage, la haine, la jalousie et l’amertume enserraient son cœur brutalement, lui donnant la sensation de suffoquer. C’était comme être traversé d’un éclair, un éclair chargé de tout ce qui est négatif dans ce monde.

À son réveil Sayf sentait qu’il était différent, très différent. Outre l’œil désormais incrusté dans sa poitrine le jeune homme pouvait sentir son sang bouillir de colère. Une rancœur amer s’était logée dans son cœur, un envie de détruire tout ce qui l’avait fait souffrir un jour, de reprendre ce qui lui était dû.
Depuis ce jour il erre à la recherche de son frère, à la recherche des dieux, à la recherche de la vengeance, il ne saurait réellement le dire. Tout ce qu’il sait c’est que quelqu’un doit payer pour les malheurs de son frère et lui.