Une histoire de point de vue


Authors
Bribrioche
Published
5 years, 1 month ago
Updated
5 years, 1 month ago
Stats
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Chapter 1
Published 5 years, 1 month ago
2211

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Phoenix


Chris avait plu à Nina depuis le départ. Elle avait dix-sept ans, était un peu gamine et s'était vite sentie attirée par cet homme de vingt-six ans. Il avait beau être plus petit que la moyenne, il avait l'air plus adulte que les autres. Il semblait morne et triste, comme s’il était gris et chaud et qu'il avait vécu des centaines d'années.

Enfin ça, c'est ce qu'elle disait, à mes yeux ça avait toujours été elle qui était jolie.

On était amis depuis qu'elle avait cassée mon château de sable en primaire et qu'elle s'était excusée en m'aidant à le reconstruire. On avait passé deux heures dessus et même si le château n'avait pas la moitié de la classe qu'il avait avant, j'avais adoré ce moment. Nina avait beau être minuscule à l'époque, elle était fière et dégageait de la présence et était affreusement mignonne. Et admirable.

D'après ma mère, j'étais un petit monstre adorable à l'époque, et disait que je portais bien mon nom de Phoenix. Mais j'avais beau être un petit monstre, Nina arrivait toujours à me dompter et j'étais un ange avec elle.

Même aujourd'hui, je ne lui refusais rien, parce qu'elle était trop jolie, trop lumineuse, trop Nina.

Je crois que je suis très vite tombé amoureux d'elle, mais c'est seulement à l'anniversaire de ses neuf ans que j'en ai vraiment pris conscience. Elle portait un débardeur bleu avec des petits volants, un short et des bottines, c'était le 23 mars et il faisait beau. Elle avait invité Tyler, Violette, Remus, Diana, Lila et moi. Son père avait acheté un fraisier et Nina a soufflé ses neuf bougies parfumées à la fraise. Elle n'avait pas voulu nous avouer ce qu'elle avait souhaitée. Mais elle a fini par lâcher qu'elle voulait que son amoureux l'aime. Je me suis rendu compte que je l'aimais quand j'ai pensé que j'aimerai être son amoureux.


Il y a quelques mois, elle a rencontré Chris dans un café. Il était en train de boire un thé en attendant que le lycée ouvre, elle l'avait reconnu l'écusson du lycée sur son pull. Elle lui avait parlé parce qu'elle le trouvait beau. Elle a appris qu'il serait son surveillant et était assez dégoûtée parce qu'il lui plaisait bien.

Elle allait le voir tous les jours au bureau des surveillants, en inventant Dieu seul sait comment une excuse crédible à chaque fois. Au départ, je m'en souciais peu, elle avait toujours eu des petits coups de cœur passager, et puis avec un surveillant elle ne devait avoir aucune chance.

Mais un samedi soir, ils sont allés à un concert, enfin, ils s'y sont retrouvés. Il y avait du monde et ils étaient sans cesse près l'un de l'autre. Ils se criaient à l'oreille d'une voix rauque pour se faire entendre. Ils se frôlaient dès qu'ils bougeaient et ont finis par s'embrasser. Il parait qu'il l'embrassait fort, que dès qu'il y avait moins de monde il lui a dit qu'il avait envie d'elle, et elle avait tellement envie de lui qu'elle l'a suivi dans un taxi. Il l'embrassait sur le chemin, lui avait laissé des marques sur la peau et parait que ce qui s'en était suivi était bon et qu'elle avait aimé.

Et pendant qu'elle me racontait ça, je mourrais intérieurement.


Elle avait des étoiles pleins les yeux quand elle me racontait tout ça. Même si je n'aimais pas ce qu'elle me racontait, j'adorais la voir ainsi, elle souriait béatement et avait l'air plus heureuse qu'elle ne l'avait jamais été.

Je craquais pour son sourire avec un pincement au cœur. Pourquoi moi, je ne la faisais pas sourire comme ça ? Pourquoi c'était ce gars trop vieux pour elle et pas moi ?

Elle disait qu'elle avait hâte de le revoir, qu'elle l'aimait beaucoup et qu'elle était en train de tomber amoureuse. Elle voulait être lundi pour le revoir au lycée et lui demander son numéro, elle se voyait déjà avec lui.

Après m'avoir raconté tout ça, on avait regardé un film ensemble. On faisait ça tous les dimanches, parfois Remus ou Tyler nous rejoignait mais le plus souvent on était que nous deux. On prenait souvent un film d'horreur pour avoir peur et rire de notre peur. Mais cette fois-là j'étais juste triste, Nina était à peine concentrée et je devinais sans peine qu'elle pensait à Chris et ce qu'ils avaient fait. J'avais mal et je culpabilisai d'avoir mal, de ne pas être heureux pour elle, de vouloir l'avoir pour moi. J'avais du mal à rire, à avoir peur, j'avais juste le cœur lourd, douloureux, je ne voyais pas grand-chose, c'était juste...flou.


J'appréhendais le lundi, mais il était arrivé trop vite à mon goût. Nina sautillait presque en disant bonjour à Chris, et j'ai haï ce dernier de lui répondre bonjour avec un petit sourire. J'avais envie de prendre la main de Nina, de le frapper et de lui dire qu'il ne la méritait pas. Mais je n'ai rien fait, parce qu'elle avait un sourire trop beau pour le gâcher.

Depuis ce jour-là elle ne mangeait presque plus avec moi et les autres et restait avec Chris. Chaque fois, elle revenait en cours heureuse et avait parfois les lèvres gonflées de leurs baisers. Je lui en voulais de ne pas voir que je l'aimais, comme à chaque fois qu'elle avait un copain. Malheureusement, elle avait vraiment l'air amoureuse cette fois-ci, alors que Chris avait juste l'air comme avant. C'est à lui que j'en voulais le plus, de me voler ma Nina alors qu'il ne l'aimait sûrement même pas, de me la voler alors qu'il était récent et que ça faisait des années que j'étais là pour elle.

Parfois, elle était un peu jalouse en le voyant discuter avec le prof le plus jeune, Mr Reed, professeur de chimie. Il parait que Chris était déjà "sorti" avec un ou deux hommes. Un après-midi, elle les a surpris en train de presque s'embrasser et son moral en a pris un coup.

Depuis, elle souriait beaucoup moins et commençait à douter des sentiments de Chris, ses doutes se sont avérés exactes quand elle les a croisés dans un couloir en train de s'embrasser.

Elle avait eu l'air vide, et j'ai d'autant plus détesté ce salaud de briser son cœur. Elle m'avait avouée ce qu'il s'était passé en sortant des cours après avoir croisé Chris au portail. Je savais qu'elle n'avait pas envie de rentrer chez elle et d'affronter ses parents qui voulaient comprendre ce qu'elle avait. Ma mère avait accepté qu'elle reste ce soir là dès qu'elle avait vu son état.

On s'était installé dans ma chambre, elle m'avait parlé à nouveau de ce qu'il s'était passé, et quad je l'ai pris dans mes bras pour la rassurer, elle a fondu en larmes. Elle s'accrochait à mon tee-shirt et me serrait en se traitant d'idiote, en insultant Chris et s'injuriant encore plus elle-même. Je la serrais du plus fort que je pouvais, et je me sentais coupable d’espérer qu'elle remarque que j'étais là pour elle.

Et elle m'a embrassé et j'ai implosé. Tous mes sentiments pour elle faisaient battre mon cœur si fort que j'avais l'impression qu'il allait jaillir hors de mon corps. C'était salé, elle pleurait si fort que ça m'en faisait mal. Je savais que j'aurai du arrêter. Je savais que je profitais juste de sa faiblesse en continuant de l'embrasser, que je devrais m'arrêter et la rassurer.

Mais elle me rendait faible, j'avais enfin un peu d'attention, alors désespérément, j'ai continué à l'embrasser. J'ai embrassé ses paupières pour chasser des larmes qui ne cessaient de se renouveler. Je suis allé en une nuit plus loin que je n'avais jamais été avec elle, et même si je n'avais jamais été avec elle, et même si je n'avais pas son cœur, peut-être qu'elle m'avait enfin remarqué, au moins peu. Ou même si elle ne l'avait pas fait, elle avait pu voir que j'étais là pour elle.

C'était déjà ça.


Le lendemain, elle s'était excusée, elle pensait m'avoir obligé, que ça ne m'avait pas plu. Je la rassurais en riant intérieurement, elle ne se rendrait donc jamais compte de l'effet qu'elle me faisait ? Des sentiments que j'avais pour elle ? Que pour moi il n'y avait toujours eu qu'elle ?

Je l'avais rassuré encore une fois en l'embrassant, et pendant qu'elle mettait lascivement ses mains autour de mon cou, j'avais pu comprendre que ça la rassurait. Je n'avais pas l'impression que ça allait mieux mais ça l'aidait quand même.

Je savais qu'elle ne quitterait pas Chris, que je l'aidais tenir le coup. Elle se doutait que Chris voyait toujours Mr Reed, mais elle l'aimait trop. Parfois, elle se plaignait de tous ces films romantiques où l'amour était simple et jamais douloureux, et j’acquiesçais tristement quand elle disait que c'était un mensonge et que ça faisait juste mal. Quand elle les croisait, elle pleurait un peu et je l'embrassais, voir plus.

Elle avait cessé de voir Chris midi et on mangeait rien que tout les deux dans une salle vide, on parlait de tout sauf de Chris, elle m'embrassait parfois. Mais j'aimais ça, j'avais l'impression qu'on était ensemble.

Une fois, on s'embrassait, un peu plus que d'habitude, elle s'était agrippée à mes épaules, mes mains commençaient à s'aventurer sous son pull. La porte s'était ouverte d'un coup. C'était Chris, il avait les yeux écarquillés. Il avait juste l'air choqué, me rappelant Nina quand elle avait appris pour lui et Dan. Il était sorti deux secondes après, et j'aurais juré qu'ils allaient aussi mal que Nina.

Nina elle, s'en voulait. Elle avait commencé à pleurer, fort. Elle disait qu'elle était idiote et qu'elle faisait des bêtises. Je l'ai serré fort et l'ai rassuré que c'est lui qui avait commencé, que c'était lui l'idiot. Je l'ai bordée jusqu'à ce qu'elle aille mieux et qu'on retourne en cours.


Nina avait un cours le jeudi après-midi de seize à dix-sept. La plupart du temps, je l'attendais, et aujourd'hui ne dérogeait pas à la règle. Malheureusement, il y avait un depuis quelque temps une absence que je devais régler et je devais bien me résoudre à aller chez les surveillants. J'avais décidé d'y aller pendant ce dernier cours de Nina, et c'était malheureusement Chris qui allait devoir régler cette absence.

J'avais ouvert sans toquer et Chris n'avait pas l'air content de me voir. Il avait les yeux rouges et me fusillais du regard. J'étais étonné de voir que ce vieux pouvait pleurer. Il a réglé mon absence sans un mot avant de me demander d'un ton brut :

"Elle va bien ?"

Elle ? Déjà, elle avait un nom. Enfin il avait l'air triste et plus gris qu d'habitude.

"Oui, elle est mieux loin de vous."

"Oh."

Il a juste souri tristement, et j'ai vu dans ce sourire triste celui que j'ai quand Nina sort avec d'autres garçons. En fait il l'aimait, ça crevait les yeux. J'allais le consoler quand je me suis rappelé l'existence de Mr Reed. Je suis juste sorti de cette salle et j'ai retrouvé Nina  la sortie de son cours. Elle avait l'air sincèrement contente de me voir et me serrait dans ses bras. Mon cœur battait de joie et de culpabilité. Mais, c'était moi qui l'aimait le plus.

Elle avait l'air d'aller mieux qu'avant, mais parfois, elle refondait à nouveau en larmes. J'avais beau à chaque fois tenter de la consoler, ça n'allait jamais mieux. Un soir, alors qu'elle disait qu'elle était trop idiote pour être aimée, j'ai avoué les sentiments que j'avais enfermés depuis tout petit. Elle s'était calmé d'un coup et m'avait demandé si j'avais envie d'être avec elle, j'avais répondu que c'était évident. J'avais eu peur qu'elle me rejette mais elle m'avait dit qu'elle était d'accord et qu'il n'y aurait plus de Chris.

Elle l'avait quitté le lendemain, mais avait refusée de m'avouer comment, elle était juste arrivée en retard. J'étais heureux d'être enfin avec elle, après toutes ces années où je ne voyais qu'elle. Pourtant, j'étais assez triste, et coupable. Parce que je voyais les regards qu'elle lançait à Chris, triste et désespérés, et je voyais qu'il lui rendait les mêmes quand elle ne le voyait pas. Je voyais bien qu'elle l'aimait lui, qu'elle avait beau se forcer, ce ne sera jamais ces sentiments là qu'elle aurait pour moi.

Alors j'ai décidé d'abréger ses souffrances et j'ai dis qu'on serait mieux en étant amis. Elle s'est excusée de ne pas ressentir ce qu'il fallait et je l'ai rassuré en disant que je trouverais bien quelqu'un d'autre un jour.

En espérant que ça finira par arriver.