Une histoire de point de vue


Authors
Bribrioche
Published
5 years, 1 month ago
Updated
5 years, 1 month ago
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Chapter 2
Published 5 years, 1 month ago
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Nina


Ce jour-là il pleuvait. Je commençais à neuf heure mais j'étais arrivée un peu avant huit heure. Il pleuvait fort et le lycée était à une cinquantaine de mètres, et un petit café qui s'interposait entre l'établissement et moi, alors j'y suis entré. L'odeur de thé et de caféine m'attirait trop. Il n'y avait personne à part un garçon portant l'écusson du lycée sur son pull. Il était beau, il avait un air un peu morne et me paraissait triste. Mais il y avait quelque chose de chaud émanant de lui et j'aimais bien. Je trouvais cette chaleur intéressante. Je suis allée m'asseoir en face de lui après avoir commandé un thé à la menthe. J'étais nerveuse et je me justifiais en me disant qu'il avait l'air perdu et que je pouvais l'aider.

"Salut !"

Il m'a salué d'un signe de tête et je me suis rendu sentie faible et inutile, mais surtout en trop.

"Je m'appelle Nina, et toi ?"

J'ai eu peur qu'il ne me réponde pas mais il a fini par le faire.

"Chris."

Sa voix était plus grave que celle d'autres adolescents, mais j'aimais bien, il faisait plus adulte. Il avait tout court l'air plus adulte, il avait l'air jeune physiquement mais quelque chose faisait comprendre qu'il ne l'était pas. Son air un peu morne me donnait l'impression qu'il avait tout vu.

"Tu es nouveau ici ?"

"Oui, je commence dans pas longtemps et le lycée ouvre bientôt.

Il parlait peu, mais ça m'attirait encore plus.

Il a regardé sa montre et s'est levé.

"Je dois y aller, salut."

J'avais l'impression que je l'embêtais, mais j'ai tout de même demandé :

"Et t'es en quelle classe ?"

Il a légèrement rit, c'était beau, j'aimais bien, ça m'attirait.

"Je ne suis pas un élève, je vous surveille."

Oh. Merde. Mince.

S’il sourit, je tente quand même, au moins un peu.

Il est parti avec un léger signe de la main et un petit sourire, enfin je crois.

On va dire que c'était ça.

J'étais rentrée au lycée juste avant la sonnerie de neuf heure et j'ai rejoint Phoenix devant notre salle. J'étais encore tremblante de l'entrevue que j'avais eut avec Chris alors je lui ai tout raconté, mais seulement à lui. Il avait ri et fait remarquer que c'était un surveillant et que je n'avais aucune chance.

Tout ça, je le savais, mais j'avais toujours aimée l'idée de craquer pour quelqu'un avec qui je n'avais aucune chance. Oui, j'étais idiote, mais j'aimais bien. Et puis il avait un beau sourire.

J'étais idiote et je faisais la bêtise de voir Chris tous les jours au bureau des surveillants, pour signer un papier, déposer une carte de bus perdue, pour demander une autorisation de sortie, pour déposer des papiers que les profs jugeaient trop futiles pour le faire eux même. Je devais avoir l'air idiote mais son sourire était à chaque fois plus sincère, et j'aimais voir que son salut était à chaque fois plus chaleureux.

Je craquais toujours, mais ce léger coup de cœur s'affaissait un peu avec l'habitude, il devenait un peu un nouvel ami. Un ami que j'aimerai embrasser certes, mais un ami.

Quatrième samedi après la rentrée. J'étais allée à un concert de The Script, un groupe que Phoenix n'appréciait pas vraiment, alors j'y étais allée seule et sans mon meilleur ami. Le concert avait commencé vers vingt heure, et j'avais étonné d'y voir Chris. Son voisin était d'accord pour qu'on échange de place. Mon cœur sautillait dans ma poitrine quand j'ai tiré sa manche pour qu'il voit que je suis là, oubliant totalement que je voulais le considérer comme un ami.

Il m'a lancé un grand sourire et j'ai craqué à nouveau, me rappelant dun coup d'à quel point je le trouvais beau et d'à quel point il m'attirait.

La musique était tellement forte que j'ai du crier à son oreille pour qu'il m'entende.

"Alors comme ça t'aime The Script?"

Il a hoché la tête et j'ai frissonné quand il s'est mis contre mon oreille pour me répondre.

"Ouais j'attendais ce concert depuis des mois !"

J'ai eu l'impression d'être proche de lui, même si l'on ne se parlait pas, je le frôlais sans cesse et j'adorais ça. Sur les premières mesures de ma chanson préférée je lui ai demandé sa préférée.

"Flares et toi ?"

"Celle-là !"

Il était près de moi, je le regardais dans les yeux et je n'ai plus essayé de résister, et l'ai embrassé pendant que le refrain de Six dregrees of separation commençait.

Mon cœur battait autant qu'à mon premier, j'avais l'impression d'être dans un de ces films où la musique retentissait au moment où la fille avait son premier baiser. Sauf que je n'étais pas dans un film, que ce n'était même pas mon premier baiser. Il ne m'avait pas repoussé, il m'embrassait même plus fort que je n'avais été embrassée. J'aimais ça, je me sentais désirée. On s'était embrassés le reste du concert, fort, je n'avais pas envie de m'arrêter, pas envie de m'arrêter à un baiser. Le concert s'est fini après je ne sais combien de rappels où je n'arrêtais pas d'embrasser Chris, une de ses mains était dans mon dos, mes bras étaient autour de son cou, son autre main était contre ma hanche. La foule est finalement partie et j'ai proposé à Chris d'aller chez lui.

Il a accepté d'une voix rauque sans hésiter et j'ai eu encore plus envie de continuer quand il m'a murmuré un "j'ai envie de toi" à l'oreille. Il a appelé un taxi, j'aurais du me sentir gênée mais j'ai continuée à l'embrasser sans m'importuner de la présence du chauffeur. Il m'avait arrêté plusieurs reprises quand j'avais commencé à toucher à son torse, mais sur le coup je m'en fichais un peu. On est sorti du taxi en s'embrassant, il me plaquait au mur tout les trois mètres à chaque fois qu'on commençait à marcher. Ses mains s'aventuraient sans cesse sous mon tee-shirt et me caressaient avec violence. On est parvenus à arriver chez lui après un milliard de baisers, après qu'il ait laissé quelques marques dans mon cou, qu'il m'ait griffé quelques fois les hanches.

On était à peine arrivés chez lui qu'il m'avait à nouveau plaqué contre un mur tout en fermant la porte de son appartement. Ses mouvements étaient encore plus violents qu'avant, je savais que mes marques de morsures à l'épaule risquaient de me laisser des bleus le lendemain. Mais je m'en fichais. On avait atteint sa chambre difficilement, donnant la priorité de se déshabiller à celle de marcher, on est tombés sur son lit entre deux baisers, ses bras sur mes hanches, mes bras autour de son cou. Je n'osais pas tirer ses cheveux, griffer son dos, alors je me contentais de mordre ses lèvres, le faisant légèrement grogner, et c'était diablement excitant. Il me caressait sans douceur, avec une brutalité que j'appréciais. Tout comme j'aimais enrouler mes jambes autour de ses hanches, comme j'aimais qu'il me prenne plus violemment qu'on ne me l'avait jamais fait. Je n'avais jamais fait ça aussi rapidement, avant j'attendais même si j'en mourrais d'envie, mais cette fois-ci c'était différent, Chris était différent.

Et je n'allais clairement pas le regretter.

Je m'étais réveillée le lendemain contre lui, il dormait encore. J'avais vu des dizaines de films où la fille ou le garçon partaient avant que l'autre ne se réveille, j'aurais peut-être dû faire ça, mais je n'en avais aucune envie. Alors j'ai fait semblant de dormir encore pour me blottir contre lui. Il s'est réveillé peu après t j'ai attendue un peu pour ouvrir les yeux. Il a fait remarquer que ce qu'on avait fait n'était pas très légal et j'ai vite dit que je m'en fichais parce que c'était vrai. Je lui avais alors proposée de sortir avec moi, alors que je savais que c'était idiot, et surtout interdit. Mais j'aimais l'idée. Il a été idiot d'accepter, et je crois qu'il le savait.

J'étais allée chez Phoenix l'après-midi même pour nos dimanches films d'horreur. J'étais sur un petit nuage alors que je connaissais à peine Chris, je n'arrêtais pas de parler de lui, le film avait perdu toute sa peur tellement je pensais à Chris.


Le lundi matin avait pris trop de temps pour arriver, il y avait moins d'une journée qui me séparait de l'idée de voir Chris, mais j'avais l'impression que ça faisait des jours. Quand j'ai pu le voir, j'avais tentée de contenir ma joie sans grand succès. Quand je suis allée lui demander si je n'avais pas laissé mon écharpe chez lui, il m'a dit que si tout en me proposant de manger avec lui à midi. Mon cœur a bondi de joie et j'ai accepté sans hésiter, je commençais vraiment à craquer mais j'aimais ça. On mangeait souvent ensemble dans le bureau des surveillants, les autres surveillants mangeant dans la cafétéria. Parfois Chris piquait quelques trucs là-bas et on mangeait ça, mais la plupart du temps, il préparait un repas, qu'il faisait réchauffer dans le micro-ondes des surveillants. J'aimais bien, beaucoup en fait, je craquais un peu plus à chaque fois mais j'étais bien trop fière pour le dire.

Chris était calme et reposant, auprès de lui, j'avais la dose de calme dont j'avais besoin. Pourtant, il avait beau être calme, ses baisers n'étaient jamais doux, et je redescendais de mon petit nuage à chaque fois que je me rappelais que je ne pouvais pas lui faire de câlins ; et ça me manquait cruellement. Il parlait peu de lui, je savais juste qu'il avait vingt-six ans, que ses meilleurs amis Tess et Arnold travaillaient dans la production de vêtements. Ah et qu'il n'était pas sorti qu'avec des filles.

Cet élément m'inquiétait, et j'étais stupidement jalouse quand je le voyais parler au professeur de chimie, Mr.Reed. Parce que Mr.Reed était jeune et que son physique pouvait être agréable. Et surtout parce que je me doutais que Chris me voyait plus comme une amie avec des bénéfices que comme une copine, qu'il ne m'aimait peut-être même pas, parce que je l'avais surpris en train de presque embrasser Mr.Reed en me rendant à mon cours de maths.

J'étais toujours sur un petit nuage, mais un nuage qui devenait sombre et orageux, qui n'étais pas agréable.

Je ne mangeais presque plus avec Chris mais pas non plus avec Phoenix et les autres, il arrivait même que je ne mange pas. J'avais l'impression d'être malade, mais d'une maladie qui me faisait honte. Quand je revenais en classe, je cachais ma honte du mieux que je pouvais et je me surprenais à y arriver avec une facilité déconcertante. Un jour, j'ai vu Chris et Mr.Reed s'embrasser. Étrangement, je n'avais pas été touchée plus que ça, j'avais mal mais ça me semblait loin. Je suis partie, sans savoir s’ils m'avaient remarqués ou pas. La journée m'avait semblé encore plus longue que d'habitude, qui me semblaient déjà interminables. J'avais pu voir Phoenix à la fin des cours et je lui ai raconté. J'avais besoin de câlins, j'en manquais trop. Phoenix m'a proposé de rester chez lui et j'ai accepté en sachant qu'il avait juste pitié.

Phoenix m'a alors fait le câlin dont j'avais cruellement besoin et j'ai pleuré, j'avais froid, j'avais l'impression que le sang dans mon corps se changeait en glace, qu'un étau serrait et broyait toute trace de la joie que j'avais en sortant avec Chris, que mon cœur était remplacé par un trou béant. J'avais mal mais je ne voulais pas combler ça avec du bonheur, j'avais besoin d'avoir mal, d'être malmenée et violentée. Alors j'ai fait l'idiote, parce que je l'étais, parce que j'avais cru que Chris pouvait m'aimer, parce que je savais depuis le début que ça n'arriverait pas, parce qu'il m'avait donné de faux espoirs, parce que j'ai été idiote de croire en ces faux espoirs.

Alors j'ai embrassé Phoenix, je savais que c'était mal, que ça risquait de tout gâcher, parce que je voulais juste blesser Chris et lui faire du mal, j'avais besoin de me faire du mal. J'avais besoin de la chaleur des bras de Phoenix, de ses lèvres, de ses mains, de sa peau. Il devait se laisser faire par pitié, mais j'étais trop égoïste pour m'arrêter, trop faible pour repousser cette chaleur. Alors je continuais à l'embrasser, je l'embrassais pour punir Chris, je lui tirais les cheveux pour me venger, lui griffait le dos comme j'avais eu besoin de le faire avec Chris.

j'avais été idiote, mais j'ai été trop faible pour empêcher mes pulsions.

J'avais culpabilisé seulement le lendemain, quand je me suis rappelée que c'était mon meilleur ami et rien d'autre. Il a tenté de cacher sa pitié en m'embrassant à nouveau. J'aurais aimé avoir la force de le repousser alors je l'ai encore embrassé.

Quelle idiote.

Alors qu'avant, je voyais Chris très souvent, je le voyais à peine. Même mes heures de repas, je les avais jetés aux oubliettes pour de bon. Je mangeais dans une salle de classe de classe vide avec Phoenix. Il était joyeux au possible et je me sentais mal de ne pas réussir à aller mieux. Je ne savais pas ce qui m'arrivais, j'étais juste tout le temps triste, j'avais sans cesse envie de pleurer et j'avais honte de moi d'être aussi faible. Je gâchais ma relation avec mon meilleur ami en lui demandant trop sans rien n'avoir à donner. Je savais que je devais m'arrêter, que je devais sauver ce qu'il restait de notre amitié, mais je n'y arrivais pas. Phoenix rendait mes journées stables, et j'avais besoin de cette stabilité.

Dès que j'avais envie de pleurer, j'avais besoin d'embrasser Chris, de le blesser, d'avoir mal. Mais j'avais Phoenix, et je l'embrassais lui. Un jour où le ciel était clair et ensoleillé, je mangeais avec Phoenix dans une salle vide habituelle. J'avais été trop faible et trop envie de pleurer alors je me suis mise à l'embrasser dans le cou. La porte de la salle s'est ouverte d'un coup et j'ai sursauté en voyant Chris. Il est sorti deux secondes plus tard et j'ai fondu en larmes comme une idiote. Phoenix m'a serré contre lui en disant que c'était Chris l'idiot alors que ce n'était pas vrai, c'était moi l'idiote d'avoir cru qu'il y avait quelque chose avec lui.

Le soir, il n'y avait pas de Phoenix pour me consoler, alors je pleurais comme une idiote et je pleurais et j'avais honte de moi. J'avais envie de dormir tôt et je me disais que plus je dormais vite, plus je me réveillerais pour me rendormir le soir venu. Je sortais assez peu le week-end, préférant m'enfoncer dans mon lit et essayer de dormir. Mes parents commençaient à s'inquiéter pour moi alors qu'il n'y avait pas besoin, alors que j'étais juste faible. Ils avaient alors décidés que je devais aller voir un psychologue.

La première séance a eu lieu le samedi suivant, et le Dr Leblanc m'a vite diagnostiqué.

"Vous faites une grosse dépression."

C'était stupide et je n'avais pas envie d'y croire, ce n'était pas une dépression, juste de la faiblesse. Le Dr Leblanc m'a conseillé de prévenir le lycée parce que ça pouvait gêner mes cours, mais j'avais refusé. Pourtant, je n'arrêtais pas de pleurer à un point où je devais avoir un rendez-vous par semaine.

Phoenix ne savait rien de ces rendez-vous, personne ne le savait rien et personne n'avait besoin de le savoir. Un soir, j'ai appris que Phoenix m'aimait et je me suis sentie encore plus coupable qu'avant, d'avoir profité de lui alors qu'il ressentait ça. Alors je suis sortie avec lui, tout en sachant que je n'avais jamais vraiment rompue avec Chris. Je voulais me venger, j'avais mal, alors j'ai fait une chose horrible dont je me suis voulue pendant longtemps.


J'étais arrivée à son bureau deux minutes avant la sonnerie, il n'y avait personne et j'ai annoncé que j'avais besoin d'un billet de retard. Chris a fait remarquer que j'avais encore du temps avant d'être en retard.

"Peu importe."

Il m'a tendu un billet de retard et j'ai écrit mon motif "rupture avec toi", et le lui ai rendu pour qu'il le signe. Il l'a fait après m'avoir dévisagé quelques secondes et je me suis dit qu'on était peut-être même pas ensemble.

Je suis allée en cours dix minutes après, parce que j'avais trop de mal à respirer, je ne savais pas ce que j'avais, et je croyais que je ne pouvais pas être plus faible que je ne l'étais déjà.

Je sortais donc officiellement avec Phoenix, il me tenait la main quand on marchait et je me sentais encore plus mal de ne pas avoir remarqué plus tôt les sentiments qu'il avait pour moi. Je tentais d'être le mieux possible pour lui, de lui donner le plus d'affection possible. J'avais envie de pleurer quand je croisais Chris, mais j'essayais au mieux de ne pas le faire, il avait trop offert sans conditions pour que je profite encore plus de lui.

J'essayais de l'aimer mais mon cœur était barricadé par les sentiments que j'avais pour Chris. Un après-midi, Phoenix m'a fait remarquer qu'il voyait que ça ne marcherait pas.

Il m'a quitté, ce qui était compréhensible parce que je n'avais pas réussie à être assez bonne pour lui, et qu'il sera mieux avec quelqu'un d'autre. Il m'a assuré qu'il finirait par trouver, et j'ai espéré que ça finisse par arriver.

Résultat des courses, j'avais perdu toute la stabilité que j'avais, et j'étais encore plus faible qu'avant. Mes notes étaient en chute libre et le Dr Leblanc me conseillait de donner au lycée une lettre de sa part stipulant que je faisais une dépression et que j'avais du mal avec les cours et le reste. Je ne voulais pas donner ce papier au lycée, mais mes parents ne voulaient pas que mes notes pâtissent sur mon dossier scolaire. Je m'étais alors rendue au bureau des surveillants en espérant très fort que Chris n'y était pas. Mes prières ont été entendues et j'ai donné mon justificatif à la surveillante qui se trouvait là. Elle m'a souri en me demandant d'attendre une minute, et que quelqu'un allait venir d'une minute à l'autre, sa pause venait de commencer et que le prochain surveillant s'occuperait de mon cas. Chris est entré à ce moment là et j'ai prié que la terre s'ouvre sous mes pieds. Cette fois-ci, mes prières n'ont pas été entendues, et la femme est partie en donnant une lettre qui en disait trop à Chris.

Il l'a lu en fronçant les sourcils et m'a demandé comment j'allais. Il ne m'avait pas parlé depuis longtemps et ça m'a rappelé toutes les fois où j'allais le voir, et ça m'a manqué, c'était doux, vieux, chaleureux. Je me suis ressaisi en lui disant le plus froidement possible que j'allais bien. J'ai cru qu'il allait me laisser partir mais il m'a serré contre lui et me caressant les cheveux. J'ai commencé à pleurer alors que je ne voulais pas le voir. Il s'est excusé et je l'ai insulté. Il s'est excusé une dizaine de fois et m'a embrassé plus doucement qu'il ne l'avait jamais fait, je me suis sentie fragile et précieuse. Mon ventre se contractait en montagnes russes qui m'avaient manquées, mon cœur battait comme la toute première fois qu'il m'avait embrassé. Sauf que c'était mille fois plus triste et mille fois plus doux. J'ai commencé à le serrer un peu et il s'est contracté quelques secondes avant de se relâcher. Je l'ai embrassé en me rappelant à quel point je l'aimais, et je me suis rendue compte que j'étais faible. Faible, et que j'avais trop blessé Phoenix pour avoir le droit d'être faible avec Chris. Je l'ai repoussé machinalement alors que je n'en avais aucune envie.

"Oh, t'es avec Phoenix, c'est ça ?"

Non.

"Oui."

Il s'est encore excusé et j'ai voulu l'embrasser, mais je ne l'ai pas fait et je suis sorti. Je m'étais sentie mal mais c'est lui qui avait commencé avec Dan, c'était lui qui ne m'aimait pas, c'était lui qui avait commencé à me faire du mal. Même si ça c'était moi l'idiote. Devant le lycée, le lendemain, Chris m'avait proposé de manger avec lui, en toute amitié d'après lui. Phoenix m'a entendu refuser et m'a dit d'accepter. Je l'ai fait en me disant que c'était seulement parce que Phoenix le voulait.

Chris avait fait une quiche lorraine qu'il a réchauffé au micro-ondes des surveillants. Chris me souriait d'un air triste, et je me suis dit que ça ne devait pas aller très fort avec Mr.Reed, je lui ai posé la question et il a dit :

"Avec Dan, ça n'a pas compté, j'étais juste..."

Il n'a pas fini sa phrase, enfin si, mais au bout d'un long silence.

"C'était juste pour que tu nous vois et que tu t'éloignes."

"Oh."

J'étais donc si collante que ça ? Je l'embêtais donc tellement ? Il me parlait qu'à cause de la lettre du Dr Leblanc ? Par pitié ?

Je me suis levé en laissant ma part sur le bureau.

"Pas la peine d'avoir pitié de moi maintenant, merci."

Il s'est aussi levé aussi et m'a dit que ce n'était pas ce que je croyais, qu'il ne voulait pas que je parte. Mais je n'avais pas envie d'être un poids. Je suis sortie quand même, même si je mourrais d'envie de retourner en arrière.

Le samedi même, le Dr Leblanc m'a donné comme mission de lui reparler, de savoir ce qu'il avait à me dire. J'ai accepté sans volonté et suis allée voir Chris lundi matin. Il a eu l'air content et soulagé, j'ai eu envie de détruire ce sourire quelques secondes. Il m'a proposé de venir à midi, j'ai accepté même si je n'aurais pas du. Le midi, il n'avait que des pâtes bolognaise réchauffées de la cafétéria, il s'est excusé en disant qu'il n'espérait pas que je revienne lui parler. J'ai dit que je ne l'avais pas fait parce que je le voulais. J'ai ensuite demandé pourquoi il a fait ça avec Mr.Reed si ce n'était pas parce que je le collais trop.

"J'ai eu une copine, Sally. Elle était tout le temps joyeuse et au bout de deux ans ensemble, elle était tombée enceinte."

Ah, et il ne croyait plus en la gent féminine parce que le bébé n'était pas de lui ?

"Elle était heureuse et moi aussi. Mais vers le quatrième mois de grossesse, il y a eu une fusillade dans un centre commercial. Sally a été touchée, mais n'a pas survécu.

Oh merde. Et moi qui ose être faible alors qu'il a eu une histoire comme ça.

"Et du coup, quand j'ai vu que je risquais de tomber amoureux de toi, j'ai préféré t'éloigner avant que ça ne dégénère.

J'ai ri intérieurement en me disant que ça avait dégénéré finalement.

Il m'a pris la main et m'a embrassé, je n'ai pas eu envie de résister, alors je ne l'ai pas fait, je l'ai laissé m'embrasser en me serrant la main, et j'ai fini par utiliser mon autre main pour caresser sa joue. Je l'ai finalement repoussé quand j'ai senti que je n'y résisterais pas. Il s'est excusé, et j'ai dit que ce n'était rien. Je suis revenue le voir assez souvent, il paraissait content, et j'aimais bien ça. J'avais l'impression d'être revenu à nos débuts, mais je ne venais pas le voir tous les jours, qu'on n’était pas ensemble et que j'étais toujours triste.

J'étais triste, mais ça devenait chaque jour un peu plus faible, les nuages gris se dissipaient pour laisser passer un peu de lumière. Parfois Chris disait qu'il regrettait d'avoir fait tout ça et qu'il aimerait être à la place de Phoenix. Phoenix, lui, avait rencontré une fille, Joanna. Elle était gentille et qu'il disait qu'elle était une bonne amie. Quand il disait ça, j'espérais qu'il sorte avec elle pour arrêter de culpabiliser, et le fait de penser ça me faisait culpabiliser encore plus.

Une fois, Phoenix m'a dit que j'avais le droit d'être avec Chris, que je ne devais pas m'empêcher par égard pour lui. Je me suis rendue compte à ce moment là que je n'avais plus vraiment d'excuse pour empêcher Chris de faire ses avances, à part mes souvenirs et mes peurs.

Un midi, alors que je mangeais avec lui, qu'il m'a embrassé et s'est excusé, j'ai osé lui dire qu'il n'avait pas à s'excuser et qu'il n'avait pas à s'excuser et qu'il pouvait prendre la "place" de Phoenix, et l'avoir pour lui tout seul.