Le voudras-tu ?

Je suis né de la haine de mon père.
Il semble être un dieu très malheureux, alors je ne lui en veux pas, je crois.
Je ne sais même pas si je l’aime ou si je le déteste.
En fait, je ne connais tout simplement pas ce genre d’émotion.
Tout ce que je connais, c’est la « peur ».
Mais ce n’est pas moi qui ai peur. Ce sont les autres.
Ils ont peur de moi.
Je le vois, dans leurs yeux, dans leur façon de faire, d’agir, de me parler, de me juger.
Ils ont tous peur de moi.
Alors que je n’ai rien fait, je viens juste de naître.

Puis d’un seul coup, ce fut le néant.

J’ai dormi pendant longtemps, très longtemps.
Lorsque je me suis réveillé, je ne me sentais pas libre.
J’étais toujours piégé, dans ce néant.
J’ai senti le monde se déchirer autour de moi.
Je ne savais pas pourquoi.
Et puis j’ai su que c’était à cause de moi.
J’ai su que j’étais un objet de convoitise.
J’ai su pour quelle raison mon père m’avait créé.
J’ai su pourquoi mes frères me détestaient.
Je l’ai su.
Et finalement, je ne voulais plus rien savoir.
Je voulais oublier.
Oublier que j’existe, car je sème le malheur partout autour de moi.
Mais je ne voulais pas non plus disparaître.
Pas tout de suite.
Je voulais…
J’ignorais ce que je voulais vraiment.

Je l’ignorais, mais le monde s’acharnait encore.
Et encore.
Et encore.
Je suis un objet de convoitise.
Je suis un instrument de guerre.
Je suis un dieu de la destruction.
Je suis le dieu de ce néant.
Je ne suis le dieu de rien.
De ce rien où j’ai été plongé.

Je les hais.

Et puis un jour, il y eut de la lumière.
Je ne me sentais plus étouffé.
Je pouvais enfin entendre et voir ce monde.
J’étais libre.
Libre d’être traqué, à nouveau.
Mais cette fois, j’avais un gardien.
Il me protégeait, car il était comme moi.
Il était né de la haine.
Mais il ne pouvait pas me protéger plus longtemps.
Au lieu d’être utilisé, je fus brisé.

J’ai éclaté en neuf morceaux, et j’ai été éparpillé aux quatre coins du monde.

J’ai vu le monde sombrer dans le chaos, par ma faute.
Alors que je ne désire rien.
Je les déteste, mais je ne souhaite pas leur malheur.

Je souhaite seulement les plonger dans mon néant.

Tant de désordre, tant de haine, tant de cris, tant de guerres.
Je veux la paix.
Puis j’ai entendu tes larmes.

« Je ne veux plus être l’esclave de personne, je ne veux plus être utilisée ! Mais je ne veux plus être seule non plus ! »

Pour la première fois, j’ai senti mon cœur battre.
J’ai entendu tes mots.
Ta prière.

Était-ce la tienne ou la mienne ?

Tu es venue à moi, par hasard.
Comme moi, tu ne venais de nulle part.
Comme moi, personne ne t’attendait, mais tout le monde te traquait.
Comme moi, tu étais seule.

Mais toi, tu pleurais.
Et tu as pleuré, pour moi.
Tu t’es inquiétée, pour moi.
Tu as souri, pour moi.

Tu étais triste, mais tu ne détestais personne.
Tu aimes ce monde.
Ce monde que je trouvais trop bruyant.

Je suis curieux.
D’où viens-tu ? Pourquoi aimes-tu ce monde ? Qu’est-ce qu’aimer ?
Peux-tu me dire ?
Laisse-moi découvrir.

Je veux découvrir ce monde que tu aimes tant et qui te fais pleurer.

Je veux te protéger. Je veux t’aider.
Comme toi, qui m’aides et me protèges.

Tu ne me juges pas, tu ne me grondes pas non plus.
Tu prends le temps de m’expliquer.
Tu es bienveillante.

Si je deviens un enfant, voudras-tu être ma mère ?
Si je deviens un homme, voudras-tu être ma femme ?
Si je deviens ce que tu désires, voudras-tu rester avec moi ?

Voudras-tu rester avec moi jusqu’à la fin ?

Le voudras-tu ?