Le voudras-tu ?


Authors
Misical
Published
3 years, 11 months ago
Updated
3 years, 11 months ago
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Chapter 2
Published 3 years, 11 months ago
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Aegis n'attend plus rien. Ni du peuple, ni des dieux, ni du monde en lui-même. Tout lui paraît chaotique et bruyant, futile et ennuyant. Il ne souhaite que le néant, jusqu'à la rencontre d'une personne qui le rendra plus curieux sur le monde qui l'entoure.
Ombresse a vécu dans l'angoisse et la solitude. La peur est ce qui l'anime, mais en réalité elle ne souhaite que la paix. La rencontre d'une personne lui permettra d'exprimer la bienveillance qu'elle a dû cacher pendant trop longtemps.

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Le pourras-tu ?


Je suis née de la souffrance d’une femme.
Elle semblait être très forte, téméraire, courageuse et dévouée.
Enfin, je crois…
Je ne l’ai jamais réellement vu, seulement aperçu de loin.
En fait, je ne la connais pas, ni elle, ni les autres filles.

J’ignore ce qu’on nous avait fait, mais nous avions toutes changées.
Personne ne se souvenait de son nom, de sa famille.
Même lorsque nous nous regardions dans un miroir, nous ne nous reconnaissions pas.
Qui étions-nous ?
Nous l’ignorions, nous étions simplement nées de la souffrance d’une femme.
Et nous avons souffert, nous aussi.
C’était tout ce que nous connaissions, la souffrance et la peur.
C’est parce qu’ici, c’est ainsi qu’on nous éduque.
On nous frappe, on nous crie dessus, on nous punit.
Il nous faut être fortes, nous serons fortes.

Mais à la fin, je fus l’unique fille.

Il ne restait plus que moi, dans cette grande chambre sombre.
Les filles avaient toutes disparues.
J’ai entendu dire qu’elles étaient toutes « instables ».
Ces mots me faisaient tellement peur, car moi aussi, j’étais instable.
Avec moi, il n’y avait qu’une peluche abîmée.
A qui appartenait-elle ?
Quel était son nom ?
Je ne le savais pas, je ne l’ai jamais su.
Mais elle était comme moi, seule et abandonnée.
Alors je l’ai serrée dans mes bras.

Un an plus tard, il y eut une nouvelle fille.
Elle était comme moi, mais apparemment, elle était « parfaite ».
Elle était plus jeune, et elle levait la tête pour me regarder droit dans les yeux.
Je ne sais pas ce qui nous différenciait réellement, nous avions le même regard…

Au début, du moins.

On était bien plus sévère et exigeant avec elle.
On la frappait, la battait, mais elle s’en relevait toujours.
Elle était forte, elle.
Moi, j’essayais de l’être.
J’étais son aînée, je devais être forte et la protéger.
C’est ainsi qu’elle me voyait, c’est ainsi que je serai.

Je l’ai protégée, de mon mieux.
J’étais battue et humiliée pour ça.
Elle ne se l’est jamais pardonné, depuis, elle a juré de prendre les coups à ma place.
On la frappait, la battait, mais elle s’en relevait toujours.
Elle était forte, elle.

La « parfaite ».

Un jour, elle en eut assez de cette vie.
Elle voulait être libre.
Libre d’être ce qu’elle voulait, de faire ce qu’elle voulait.
Elle voulait être libre avec moi, car j’étais sa grande sœur.
Alors nous avons tenté de fuir, plusieurs fois.
Mais on nous rattrapait toujours.
Nous avons été punies.
On nous frappait, nous battait, mais elle s’en relevait toujours.
Nous avons continué de fuir, sans cesse.

Jusqu’à ce qu’on perde patience à cause de nous.

On nous a rattrapées pour la dernière fois.
J’ai été frappé encore.
Et encore.
Et encore.
Je suis la plus faible des deux.
Je suis une mauvaise influence.
Je suis un échec.

Je suis désolée.

Nous qui étions sœurs, elle ne voulait plus me voir.
Ni me parler.
Je me suis excusée, j’ai pleuré, j’ai hurlé.
Je ne voulais pas la perdre.
J’étais seule, mais elle aussi maintenant.
C’était la plus jeune, je devais la protéger, même si je n’y arrivais pas.
C’était mon rôle, c’était ainsi qu’elle me voyait.
Alors je lui ai cédé la peluche abîmée.
Si je ne pouvais pas être avec elle pour la consoler, cette peluche le fera à ma place.

Puis je fus seule, encore.

Maintenant que je suis une femme, j’ai pu m’enfuir.
M’enfuir de ce monde, m’enfuir de cette vie.
Je ne savais pas où aller, ni où retourner.
Je n’avais pas de chez moi.
J’ai pleuré et j’ai erré.

Et puis je suis tombée sur toi, par hasard.
Comme moi, tu ne venais de nulle part.
Comme moi, personne ne t’attendait, mais tout le monde te traquait.
Comme moi, tu étais seul.

Mais toi, tu ne pleurais pas.
Tu as levé la tête pour me regarder droit dans les yeux.
Tu es confus, mais nous avons le même regard.
Tu me vois comme une aînée.

Tu étais vide, mais tu avais envie d’apprendre.
De découvrir ce monde.
Ce monde trop bruyant et brutal, sans pour autant être trop cruel.

Tu es curieux.
De tout savoir, sur les couleurs et les émotions.
Leurs différentes nuances.
Je t’apprendrai.

Je te ferai découvrir ce monde que j’aime tant et qui me fait pleurer.

Car je veux te protéger. Je veux t’aider.
Comme toi, qui m’aides et me protèges.

Tu ne me frappes pas, tu ne me punis pas non plus.
Tu prends le temps de m’écouter.
Tu es gentil.

Si tu me vois comme une mère, pourras-tu être mon fils ?
Si tu me vois comme une femme, pourras-tu être mon époux ?
Si tu me vois comme ce que tu désires, pourras-tu rester avec moi ?

Pourras-tu rester avec moi jusqu’à la fin ?

Le pourras-tu ?