Techno-Syndicat



Cela fait maintenant plusieurs siècles que le monde a connu une révolution technologique sans précédent. Le prix de la découverte vint toutefois avec un prix à payer : la guerre, à jamais inscrite dans le patrimoine de nos sociétés. Victorieuse de la plupart d’entre elles, la famille Anderson, fondatrice d’une société nommée le Techno-Syndicat, est désormais à la tête des politiques et des ressources financières de la planète depuis de nombreuses décennies.

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#1


Quelle journée épuisante. La jeune femme finissait de changer la perfusion de son dernier patient avant de finalement laisser échapper un soupir de fatigue, il ne lui restait qu’à apporter quelques notes à sa chef et les instructions pour le service de nuit. La semaine avait été rude, aussi bien physiquement que psychiquement. L’hiver commençait doucement à pointer son nez et le nombre de malades ne faisait qu’augmenter. Pourtant, ce n’était pas ce détail qui travaillait la jeune chatte depuis ces derniers jours. 

Filant aux vestiaires après ses dernières obligations professionnelles, elle sortit frénétiquement son portable de son sac-à-main, espérant trouver des nouvelles réconfortantes. Rien, si ce n’était un message du contact qu’elle devait voir dans la prochaine demi-heure.


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Elle espérait trouver une solution lors de cet entretien décidé sur le vif, afin de pallier l’urgence de la situation. Finissant de se préparer, elle ne put s’empêcher de ressentir un nœud lui tordant l’estomac, tant elle sortait de sa zone de confort, sans savoir dans quoi elle s’embarquait. Mais elle n’avait plus d’autres choix : aussi suspicieux que cela puisse paraître, son père et les agents de l’ordre semblaient laisser l’affaire au point mort. Elle ne pouvait tolérer ça. 

Ses pieds avalèrent les kilomètres qui séparaient l’hôpital et la bibliothèque en une douzaine de minutes. L’air quelque peu perdu, elle chercha du regard l’homme qui pouvait correspondre à la description qu’elle s’en était faite… Elle fut toutefois rassurée en voyant un jeune loup gris au visage accueillant, mais vivement reconnaissable par son cache-œil sur l’œil droit. Ce dernier lui fit signe de venir s’installer à sa table, ayant déjà commandé des cocktails pour deux. 

« Enchanté d’enfin t’rencontrer, Mélanie. Loulou m’a beaucoup parlé de toi. 

— Ah… enchantée aussi ! Euhm… de mon côté, elle ne m’en a pas dit énormément sur toi. 

Quelque peu surprise par l’aisance familière de l’individu, elle reconnaissait toutefois bien là le goût de son amie pour les hommes sans masque ni manière. 

— Forcément, elle sait que j’aime être discret. Mais soit, je suppose que des présentations plus officielles sont de rigueur. Allen Wüther, freelance dans… pas mal de domaines. 

Sirotant lentement sa boisson, il invita du regard la jeune chatte à se présenter à son tour. 

— Eh bien… Mélanie Anderson, infirmière salariée, et fille de Jack Anderson du Techno-Syndicat. Je… je suis désolée pour cette entrevue un peu impromptue, mais comme je te l’ai dit, je n’ai aucune nouvelle de Loudmila depuis cinq jours. Elle ne s’est pas présentée en début de semaine, et je n’arrive à la joindre nulle part… J’ai eu ton numéro en fouillant un peu, mais à part toi, je ne sais pas du tout qui elle fréquente d’autre… 

Malgré la situation alarmante et l’inquiétude dans la voix de la jeune chatte, le loup garda un visage rassurant, finissant une gorgée de son cocktail. 

— Je ne vais pas te mentir, j’ai pas réussi à la joindre non plus. Mais vu qu’on vit un peu chacun dans son coin, je m’étais pas vraiment fait de mouron. Cela dit, tu connais Loulou, non ? C’est pas pour rien qu’elle a été désignée pour être ton garde du corps. Si quelqu’un lui cherche des emmerdes, je donne pas cher de sa peau. 

— Mais mon père fait l’autruche et soi-disant que les enquêteurs n’ont aucune piste… On ne disparaît pas comme ça du jour au lendemain sans laisser ne serait-ce qu’une trace ! Sa moto est toujours garée à sa résidence, et si c’était un enlèvement, on aurait forcément retrouvé une demande de rançon ou quelque chose de ce type… Et puis il n’y a aucune trace de lutte chez elle en plus ! 

Se rendant compte qu’elle commençait à paniquer, elle se stoppa et commença également à siroter une gorgée de sa boisson, tentant de se calmer. Elle avait déjà vécu personnellement un traumatisme similaire il y a quelques années, enlevée avec son garde du corps par un dégénéré. L’histoire s’était en fin de compte plutôt bien fini pour elle, mais à quel prix ? Elle ne voulait pas revivre une telle expérience, ni que Loulou en fasse les frais, seule qui plus est. Après un soupir de réflexion, elle reprit la parole : 

— Est-ce qu’elle avait des ennemis ? Quelqu’un qui lui en voulait personnellement ? 

— Pas que je sache… et si elle avait eu des ennuis récemment, elle m’en aurait parlé. 

Le silence s’était installé, et pourtant, Allen pouvait entendre les cris intérieurs déchirer l’esprit de son interlocutrice. Se courbant légèrement, il fronça son œil unique, abandonnant son air innocent qui lui collait à la peau. 

— Tu dis que ton père, le gérant de l’entreprise exerçant le plus gros monopole sur les prix de l’énergie de notre civilisation, n’y peut rien. Alors, qu’est-ce que tu attends de moi au juste ? 

À défaut de simplement rassembler le plus de monde possible pour aider dans les recherches, elle savait qu’un simple citoyen lambda ne pourrait rien pour elle. Pourtant… 

— Loulou a laissé entendre que tu étais doué pour récolter des informations… 

Elle marqua une pause, se mordant discrètement la lèvre, avant de reprendre : 

— … légalement ou non. 

— Haha, en fin de compte elle t’en a quand même dit un peu à mon sujet. 

Finissant tous deux leur verre, Allen reprit un air se voulant plus conciliant, pianotant sur son téléphone entre deux phrases. 

— S’il y a quelque chose que je peux t’assurer, c’est qu’on va la retrouver notre Loulou. Mon… ‘boulot de freelance’, je le faisais en collaboration avec une équipe du tonnerre il y a encore quelques mois. Mais ils bossent pas gratuitement. 

— L’argent n’est pas un problème. Tout ce que je veux, c’est qu’on la récupère saine et sauve… 

— Je m’occupe de tout. Je te tiens au courant, attends-toi à une réponse d’ici demain matin. Le boss voudra sans doute te rencontrer. Il est un peu intimidant, mais c’est un bon gars. » 

Pas forcément heureuse d’entendre qu’elle ne pouvait pas se contenter d’un intermédiaire -la perspective de rencontrer un probable mercenaire du monde underground ne l’enchantant pas plus que ça-, elle ne comptait toutefois pas reculer. S’il fallait plonger la tête la première dans les manigances pour retrouver son amie, elle le ferait, quitte à salir son nom et sa réputation. 

Elle était toutefois loin de se douter du phénomène qu’était son futur collaborateur.


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