Notre espoir


Authors
Ethelea
Published
6 months, 4 days ago
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Un moment de complicité entre deux amoureux qui se préparent à vivre le bonheur qu'ils attendent depuis longtemps.

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NOTRE ESPOIR
Ethelea


 ❈ ❈ ❈  


D’après
La sorcière aux pierres scintillantes
de Misical

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La porte de la maison s’ouvrit dans un léger grincement sur une forêt en plein éveil, alertant deux lapins qui filèrent comme le vent jusque dans leur tanière. Les oiseaux piaillaient joyeusement depuis les hauteurs, dans un concert de notes aigues et variées.

Prime franchit le seuil le premier. Il leva les yeux vers le feuillage des arbres centenaires qui encadraient la demeure, appréciant la sérénité de ce lieu qui était devenu sa maison, son refuge.

Il jeta un regard derrière lui, tendant sa main.

— Ca va aller ? demanda-t-il d’une voix préoccupée.

Une main gracile se déposa dans la sienne. Il guida alors sa propriétaire hors de la demeure, la laissant poser à son tour ses pieds dans l’herbe courte, précautionneusement. Son ventre volumineux avait tendance à la restreindre dans ses mouvements, et le simple fait de marcher était devenu une épreuve.

Elle leva les yeux vers Prime.

— Je tiens debout, c’est bon signe, plaisanta-t-elle.

Il sourit en la contemplant, à jamais conquis par la douceur de son visage, encadré par ses longs cheveux d’ébène. La jeune femme qui lui avait sauvé la vie quelques années plus tôt n’avait pas, à ses yeux, perdu la moindre once de son charme.

Tomolo prit une grande inspiration, et reprit son avancée, guidée par Prime qui la regardait faire avec un soupçon d’inquiétude qu’il ne parvenait à dissimuler.

— Inutile d’aller très loin, dit-elle. Allons jusqu’au vieux tronc, j’aimerais voir la clairière.

Prime approuva d’un signe de tête. Il n’était pas complètement serein à l’idée que Tomolo fasse de l’exercice, mais il avait conscience que rester enfermée toute la journée n’avait rien d’enviable. De plus, elle devait rester en activité pour ne pas s’affaiblir, malgré le fait que le terme approchait à grands pas. Sans compter que la journée était splendide après une semaine complète de pluies incessantes : la tentation d’une virée dans la majestueuse sylve était simplement trop forte pour être ignorée.

Main dans la main, ils s’avancèrent à pas lents entre les arbres. Un sentier, qu’ils avaient eux-mêmes dessinés à force d’emprunter ce chemin, les guidait sans qu’ils aient besoin de réfléchir à leur itinéraire. Après quelques minutes seulement, ils parvinrent à une jolie clairière fleurie, au bord de laquelle se trouvait un imposant tronc d’arbre renversé.

Le jeune couple prit place sur le tronc, ce qui leur laissait tout le loisir d’observer la clairière, et ses jolies fleurs variées qui se secouaient paisiblement sous la brise matinale.

C’est seulement à cet instant que Prime remarqua que Tomolo avait emmené une pierre avec elle, d’une jolie couleur rosée, qu’elle manipulait nerveusement de sa main libre.

— Quartz rose ? questionna-t-il.

Elle lui sourit.

— Vos connaissances commencent à m’impressionner, Messire, railla-t-elle.

Il l’entoura de son bras en échappant un rire, et elle se laissa aller contre lui, serrant la pierre contre son torse.

— Elle apporte la sérénité et symbolise l’amour par excellence, expliqua la jeune femme. C’est tout ce dont j’ai besoin pour me préparer à accueillir notre merveille.

Prime resserra son étreinte, déposant son menton sur le sommet du crâne de Tomolo, le regard perdu à l’horizon tandis qu’il caressait machinalement son épaule d’une main. La jeune femme leva les yeux vers lui.

— Tu es inquiet, remarqua-t-elle.

Il soupira.

— Bien sûr, dit-il. Comment pourrais-je ne pas l’être ?

Tomolo sourit tristement, et saisit doucement la main de Prime, qu’elle serra.

— Je sais ce que tu penses, murmura-t-elle. Que c’était ta punition. Et que ce n’était peut-être pas la dernière. Mais je refuse cette fatalité. Nous avons perdu notre premier trésor, mais son esprit nous accompagne. Tout se passera bien, désormais.

Prime ferma les yeux. Il aurait tant aimé avoir la chance de contempler le sourire de Limi, la voir grandir. Au lieu de ça, ils avaient dû faire bien trop tôt leurs adieux à son petit corps inachevé, qui n’avait pas réussi à aller jusqu’au terme des neuf mois de grossesse. Ils avaient tous deux passé la nuit à la pleurer, la berçant comme si elle n’était qu’assoupie, avant de se résigner d’aller l’enterrer au petit matin, dans un coin reculé de la forêt où poussaient de splendides fleurs aux pétales azurés.

Prime avait dès lors su qu’il n’oublierait jamais cet événement. Qu’il n’oublierait jamais la douleur d’avoir perdu son enfant avant même de l’avoir connue, et que c’était probablement sa punition. Une malédiction qui le suivait depuis qu’il avait commis l’impensable, ôtant si injustement la vie de sa si jeune sœur, poussé par la tristesse, la solitude, et surtout, la voix perfide de ses démons.

Une larme qu’il ne put retenir glissa sur sa joue tandis qu’il dardait son regard au loin. La douleur était toujours vive. La plaie ne se refermerait sans doute jamais complètement, et au fond de lui, il savait qu’il le méritait.

La main de Tomolo, qui se glissa sur sa joue humide, le tira de ses pensées.

— Elle est avec nous, murmura-t-elle. Pour toujours. Et quand notre tour sera venu de quitter ce monde, nous la rejoindrons.

Prime s’empara délicatement de la main de Tomolo, et y déposa ses lèvres. Il allait finir par croire que ces pierres avaient vraiment un effet puissant sur lui, tant ces quelques mots de sa bien-aimée eurent le don de l’apaiser.

Ou alors, peut-être était-ce vraiment l’esprit de Limi veillant sur eux, qui s’affairait à éloigner ses pensées les plus sombres, pour orienter son regard vers l’avenir. Vers l’espoir que portait Tomolo en elle, qu’ils protégeaient, et protégeraient jusqu’à la fin.

— Je crois avoir une idée, si c’est une fille, dit alors Tomolo, les yeux perdus dans le vague.

Prime la regarda avec intérêt.

— Vraiment ? dit-il.

Elle prit une grande inspiration, ses yeux clos tandis qu’un doux zéphyr s’immisçait dans sa chevelure ébène.

— Mill.

— Mill…

Prime le répéta à nouveau, d’une voix basse, douce. S’imaginant déjà le murmurer aux oreilles de leur enfant, qui ne tarderait pas à voir le jour. Tomolo le considéra avec tendresse. Malgré tout ce qu’ils avaient traversé, toutes les douleurs qu’ils avaient endurées, ils étaient toujours debout. Debout, ensemble, après toutes ces blessures, tous ces morts.

Prêts à se battre pour enfin offrir la vie.