Nécromancienne


Authors
Misical
Published
5 years, 10 months ago
Updated
5 years, 10 months ago
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Chapter 2
Published 5 years, 10 months ago
1654

Plus d’une créature, aussi mystérieuses que hideuses, terrifient le monde. Tomolo n’est pas une sorcière comme les autres, c’est une nécromancienne. Messagère entre la vie et la mort, elle parcourt le monde en compagnie de sa jeune disciple Mill pour venir en aide aux différents peuples et combattre les monstres.

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Act 1 - Rencontre insoupçonnée


Au plus profond de la forêt printanière, dans les heures les plus sombres de la nuit, luisaient avec difficulté les braises d’un feu timide. L'agitation des insectes et des animaux nocturnes ne diminuait pas, en dépit du feu de camp et de ces deux étranges visiteurs. Deux femmes, une nécromancienne et sa disciple, voyageaient ensemble, parcourant le monde en respectant la nature. L’aura que dégageait la sorcière était aussi impressionnante qu’apaisante ; les animaux n’avaient aucune raison de la craindre, mais ils ne se risqueraient pas d’aller se poser sur l’une de ses épaules. La petite, bien que plus jeune, était plus sauvage, plus noire… Son cœur s’était assombri et elle peinait à apprécier les choses simples.
La jeune fille ne trouvait pas le sommeil. Elle était assise devant les braises, les bras croisés sur ses genoux. Son regard vide fixait ces lumières qui s’intensifiaient avec la brise nocturne. Depuis qu’elle s’était installée sur l’herbe, elle n’avait pas bougé. Elle regardait le feu brûler de tout son être, pour s’éteindre petit à petit et devenir ce tas de poussière noir et chaud. Elle n’aimait pas particulièrement ce spectacle, mais à chaque fois que son regard se posait sur une flamme, elle ne pouvait pas s’empêcher d’en être fascinée et de le regarder se consumer jusqu’à la fin. Alors, elle demeurait là, à admirer la fin de ces cendres, dans le silence.

Le feu s’était éteint depuis longtemps, même la fumée de son existence avait cessé de souffler. La disciple ne bougea pas pour autant, ses grands yeux bleus rivés sur cette cendre éteinte. Elle ne songea même pas à raviver la flamme pour éloigner les bêtes, sachant pertinemment que sa maîtresse les repoussait déjà naturellement, grâce à sa seule présence.
Un craquement retentit, ce qui réveilla l’instinct de la jeune fille. Elle leva la tête, tous ses sens en alerte, et se releva aussi silencieusement que le vent. Son regard azur scruta chaque feuille et chaque buisson, cherchant un animal ou autre. Mais une lueur ambrée attira son attention. Elle scintillait faiblement au rythme d’un battement de cœur mourant. La fillette s’approcha, prudemment, empoignant une branche d’arbre d’une main. Elle restait sur ses gardes, mais fut bien surprise de découvrir une petite fée agonisant sur les racines d’un saule. L’enfant ne se précipita pas pour autant ; c’était peut-être un piège. Elle regarda une nouvelle fois autour d’elle, et lorsqu’elle fut certaine qu’il n’y avait aucun danger, s’agenouilla aux côtés de la petite créature. Elle la prit dans ses mains chaudes, et détailla son triste état. Cette fée était mourante. Des ailes abîmées, dont l’une d’elles était presque inexistante, ne laissant que la trace noire d’une brûlure. Le cœur de la disciple se serra, et elle se sentit navrée pour elle. Elle la récupéra alors, la plaçant sur sa poitrine, près de son cœur, la gardant au chaud, et retourna à son campement. La nécromancienne était toujours allongée, feignant de dormir et tournant le dos à la scène, mais sourit en entendant sa protégée s’agiter en silence.
L’enfant allait prendre soin de cette petite créature fragile et blessée.

Au petit matin, dès les premiers rayons de soleil, la sorcière se leva. Elle regarda autour d’elle, écoutant paisiblement la forêt qui dormait encore. La brise était encore fraîche, mais les couleurs dorées de l’aube se reflétaient sur la verdure de la nature, lui donnant un sentiment d’été et de pays enchanté.
La nécromancienne constata avec bienveillance que sa disciple s’était endormie en gardant la fée contre son cœur. Cette dernière avait repris des couleurs normales et scintillait comme la plus belle des étoiles. La douceur et la gentillesse de l’enfant l’avaient sauvée.
La jeune femme s’attela à plier leur campement pour réveiller la fillette en dernier. Elle ouvrit difficilement les yeux, mais se ressaisit rapidement lorsque son esprit fut complètement réveillé. Elle se leva d’un bond, gardant une main posée sur la petite créature ailée, la maintenant toujours contre elle, avant de s’excuser hâtivement :

— Pardonnez-moi, Dame Tomolo ! Je ne voulais pas dormir autant !

La dame en question n’eut qu’un sourire amusé pour réponse. Sa disciple se sentit rougir et baissa les yeux devant un visage aussi angélique que le sien. Sa maîtresse était sûrement l’une des plus belles femmes du pays. Elle en était persuadée, car depuis le début de son voyage et avec toutes leurs rencontres, elle ne vit aucune femme l’égaler. Elle était grande, aux formes généreuses et au teint plus pâle que la lune. Ses cheveux, si longs et plus sombre que la nuit, retombaient en vagues au bas de son dos. La touche finale était ses yeux, aussi clairs que le ciel bleu. La jeune fille rêvassait, car elle avait les mêmes couleurs, aussi bien pour sa tignasse que pour le regard. Cela lui laissait le droit d’imaginer qu’elle finirait par devenir une femme aussi séduisante qu’elle.
La nécromancienne se pencha vers sa protégée, gardant son sourire gracieux, et la questionna du regard sur la créature que cachait sa main. Elle lui tendit alors les bras, dévoilant un esprit endormi au creux de ses paumes.

— C’est une fée que j’ai trouvée dans la forêt, elle était blessée, alors je l’ai ramassée. Je ne pense pas être tombée dans le piège d’une malédiction, émit la jeune disciple.
— Ne t’en fais pas Mill, rassura-t-elle. Tu as bien fait. Si tu ne l’avais pas recueillie, cette pauvre fleur aurait fané pour devenir une mauvaise fée. À ce moment, elle aurait jeté des malédictions et cette partie de la forêt aurait été condamnée.

Mill, la jeune disciple, écarquilla les yeux d’horreur. Elle n’avait pas réalisé à quel point son aide avait été bénéfique. Elle ne savait même pas qu’une fée pouvait mal tourner. Elle avait cru que cette pauvre créature allait mourir dans le silence, mais elle comprit qu’elle était loin de la réalité et qu’il y avait encore beaucoup chose qu’elle ignorait à propos de ces créatures extraordinaires. La jeune fille regarda la petite endormie dans ses mains, se disant qu’elle avait bien fait d’écouter son cœur et de la sauver.
D’ailleurs, cette dernière se réveilla, baillant sans retenue tout en agitant ses grandes ailes fragiles. Elle se frotta les yeux et se releva sur ses deux pieds, levant la tête pour regarder ses sauveuses. La fée ressemblait en tout point à une humaine, si ce n’étaient ses grandes oreilles pointues et sa taille aussi haute qu’une main d’homme. Son corps était nu et deux paires d’ailes de tailles distinctes s’agitaient dans son dos. Seulement, à cause de sa brûlure, elle ne pouvait visiblement pas voler. Malgré tout, elle s’inclina humblement vers la nécromancienne et sa disciple.

— Je vous remercie d’être venue à mon secours ! Je m’appelle Ambre, je suis née dans la forêt de Chirine.
— Enchantée Ambre, je suis Mill, et voici ma maîtresse Tomolo. Je suis soulagée que tu te sois réveillée, j’ai eu peur d’assister à ta mort…
— Ta bienveillance m’honore, petite Mill. Si vous me le permettez, je souhaiterais vous accompagner lors de votre voyage.

Le visage de la disciple rayonna, les yeux brillants, enthousiaste à l’idée d’être suivie par une si belle créature. Mais elle leva un œil inquiet vers sa dame, espérant de tout son cœur qu’elle accepte. La nécromancienne fixa longuement la fée et sa protégée qui la suppliait des yeux. Elle réfléchit à cette demande, puis finit par leur sourire :

— Pourquoi pas ? Une fée nous portera chance.

Le sourire de Mill s’élargit, et elle se retint de se jeter dans les bras de sa dame. Elle était euphorique d’avoir un nouveau compagnon de voyage aussi formidable. La fée remercia la nécromancienne en s’inclinant une nouvelle fois et alla s’installer sur l’une des épaules de la jeune fille. Sa joie d’enfant lui faisait un bien fou et la soignait tendrement.

— Je ferai tout mon possible pour t’aider, petite Mill ! Je t’en fais la promesse !

La disciple rit en la remerciant. Étrangement, depuis que sa route avait croisé cette fée, son cœur était devenu moins lourd et elle avait la sensation d’avoir retrouvé cette touche de naïveté qu’elle avait cru avoir perdu il y avait des années. Seulement, rencontrer une fée était le rêve de toutes les petites filles ! Elle se sentait déjà très chanceuse, et elle avait moins peur de l’avenir désormais.
Les deux voyageuses enfilèrent leur manteau et s’emparèrent de leurs sacs avant de reprendre leur route et de traverser la forêt. La prochaine ville était encore à un jour de marche.

Derrière elles, à l’endroit où la fée avait été retrouvée, la petite pousse d’une fleur perçait la terre.