Nécromancienne


Authors
Misical
Published
5 years, 10 months ago
Updated
5 years, 10 months ago
Stats
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Chapter 3
Published 5 years, 10 months ago
913

Plus d’une créature, aussi mystérieuses que hideuses, terrifient le monde. Tomolo n’est pas une sorcière comme les autres, c’est une nécromancienne. Messagère entre la vie et la mort, elle parcourt le monde en compagnie de sa jeune disciple Mill pour venir en aide aux différents peuples et combattre les monstres.

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Act 10 - Quel est mon crime ?


Ses yeux s’ouvrirent péniblement. Le froid mordant de l’hiver lui agressait le visage, mais elle constata rapidement que son frêle corps était enveloppé d’une large fourrure brune. Assise sur un vieux tronc d’arbre, elle détailla le campement de fortune installé là, au beau milieu d’une clairière enneigée. Il faisait clair, mais des flocons tombant du ciel brouillaient sa vision. Malgré tout, elle capta un petit feu brûlait devant elle, encerclé par deux troncs imposants en guise de bancs. La corde qui ligotait ses poignets tombait jusqu’à ses pieds nus, mais remontait jusqu’à la selle du cheval noir du chevalier. Ce dernier n’était pas là, sûrement parti chercher de quoi manger au cœur de la forêt.
Elle leva ses yeux clairs vers le ciel aussi blanc que le sol, respirant difficilement par la bouche et libérant son souffle opaque. Elle se pensait déjà morte. Elle ignorait pour quelle raison ce chevalier l’avait maintenue en vie. Son regard était toujours aussi humide, mais elle n’avait même plus la force de pleurer. Le seul fait de respirer devenait difficile et douloureux. Cette fille aux cheveux ébène ne songeait plus à s’échapper. Elle demeurait là, assise, priant Dieu qu’on vienne la libérer de ce cauchemar.
Seulement, pour seule réponse à ses suppliques, elle entendit le pas lourd d’une armure s’enfoncer dans la neige, tout juste derrière elle. Le chevalier noir était de retour. Il s’avança vers le feu, tenant entre ses gantelets deux faisans inertes. Elle les fixa longuement, presque envieuse de leur état, car elle espérait recevoir une mort toute aussi foudroyante qui abrégerait son enfer.
Subitement, elle détourna le regard, prise d’effroi. Un frisson lugubre parcourut sa colonne vertébrale, ce qui la ramena à la raison. En réalité, elle ne voulait pas en finir avec la vie, mais elle ne souhaitait plus souffrir non plus. Désespérée, elle ferma les yeux tout en grimaçant, car ses larmes ne coulaient plus.

Le chevalier noir s’installa en face d’elle, sur ce modeste banc devant le feu. Il commença à plumer ses prises, en lançant de temps à autre un regard furtif vers sa prisonnière. Cette dernière ne bougea pas, emmitouflée dans la fourrure qu’il lui avait prêtée.
Contre toute attente, le deuxième oiseau qui rôtissait était pour elle. La jeune fille ne comprenait plus rien à sa situation. Cet homme s’était abattu sur sa vie, comme la foudre sur un arbre, l’arrachant à son paisible quotidien pour la traîner sans merci derrière son cheval. Elle avait entendu plus d’une rumeur sur les chevaliers noirs, mais jamais elle n’aurait pensé être un jour l’une de leur victime. Elle leva son regard vide vers lui, remuant faiblement ses lèvres :

— Vais-je… être vendue ?
— Non.

Son sang se glaça à cette réponse qui sonnait son glas. Au plus profond d’elle, elle sentait que cette armure noire serait sa faucheuse, mais en avoir la confirmation l’effrayait plus que tout. Cette injustice lui tordait le ventre. Ce n’était pas une mauvaise fille, elle avait toujours été bonne, toujours serviable, alors pourquoi la condamner ? Son corps se mit à trembler et des larmes qu’elle ne pensait plus avoir noyaient son visage. Sa respiration était tellement saccadée qu’elle en toussa, tout en se tenant la gorge. Pourtant sa panique était plus forte qu’elle hurla sa détresse sur ce cavalier indifférent.

— Pourquoi ?! Quel crime ai-je commis ?!

Pour toute réponse, son geôlier se mit à rire. La fille était terrorisée face à un esprit aussi sadique que le sien. Devant son effroi, il était difficile de savoir s’il ressentait une touche de pitié ou de méchanceté, car il lui avoua enfin les raisons de son enlèvement :

— Tu es une sorcière.

Ses mots résonnèrent dans ses oreilles comme un odieux mensonge. Pétrifiée sur place, elle le regarda sans qu’aucun son ne sorte de sa gorge, même son souffle s’était coupé. Une sorcière, elle ? Que des mensonges, des sottises, un coup monté ! Elle n’avait rien en commun avec ses femmes-là, c’était une jeune fille tout ce qu’il y avait d’humble et modeste, innocent et simple.
La prisonnière serra des dents, plus frustrée qu’horrifiée. Elle serrait ses poings tellement fort que ses bras en tremblaient.

— C’est un malentendu… ! Je ne suis pas une sorcière ! tenta-t-elle de se défendre.
— Tu en es une. Inutile de le nier.
— Non ! Je ne suis pas une sorcière !
— Tu l’es.
— Non… ! Je ne suis pas… Je ne suis pas une sorcière ! hurla-t-elle.

Ses yeux aussi clairs que le ciel s’écarquillèrent lentement, la bouche encore ouverte après son cri. Le chevalier la jugeait longuement du regard, sans prononcer le moindre mot.
Tout autour d’eux, les flocons s’étaient immobilisés, comme figés dans les airs. La fille tourna lentement la tête pour constater qu’elle venait de les stopper. Elle reposa ses yeux épuisés sur l’homme face à elle. Elle était plus que terrifiée, elle ne le savait pas, elle venait de le découvrir.

Elle était une sorcière.