Cliero Backstory FR -


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Chapter 8
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8) FIN - sur le reflet de l'eau


         

Des mois se sont écoulés ainsi, des mois entiers. Plus Scar restait et plus les élèves la malmenaient, et Cliero n’était jamais là. Scar voyait son moral chuter à vitesse grand V. Elle s’acharnait à vouloir rester malgré tout pour Cliero. En quelques sortes, sa venue à équilibré la fréquence à laquelle Cliero se faisait embêter lui-même. Mais les deux amis se parlaient de moins en moins, se voyaient de moins en moins. Lorsqu’ils étaient assis l’un à côté de l’autre, c’est presque comme s’ils étaient devenus des étrangers. Cliero ne la regardait même plus, comme s’il avait oublié tout le monde. Elle pensait qu’en l’aidant, il serait plus serein et heureux, mais c’est comme si ce temps qu’elle lui épargnait renforçait son enfermement. Ils ne se comprenaient plus mutuellement, et le silence de Cliero n’aidait en rien. Scar avait fait de son mieux pour pouvoir contenir toute cette rage qu’elle gardait au fond d’elle, mais cette fois ci, elle ne lâcherait pas Cliero d’une semelle. Ils descendirent dans la cour. Scar l’attrapa par le bras.

Scar: « Tu comptes m’éviter comme ça encore longtemps?! »

Tout le monde s’était retourné car elle avait crié très fort. Cliero se sentait observé, ce qui le rendit tout de suite très anxieux.

Scar ne se rendait même pas compte de ce qu’il se passait, elle regardait Cliero droit dans les yeux.

Scar: « Je croyais que tu étais mon ami, mais tu agis comme tout sauf un ami! Tu me laisses tout le temps toute seule! Et la bonne poire elle se prend les coups à ta place! Et si seulement ça avait un prix… Mais plus je paie et plus tu m’ignores! »

Cliero: « Je te… »

Scar l’a coupé de plein fouet. « Encore ces "Oh mais Scar, je te l’avais dit que cet endroit était un enfer! Que tout le monde était insupportable! Eh bien tu as eu raison encore une fois! Car TOUT LE MONDE ici est insupportable! Je croyais juste que ce serait différent pour toi… »


Tout d’un coup, Cliero senti que ces mots ont impacté les autres autour. C’est comme si Scar croyaient qu’ils étaient seuls, mais ils ne l’étaient pas, et tout le monde avait bien entendu. Cliero pensa tout de suite que cela allait avoir de grosses répercussions. Il entendait déjà les murmures : « Oh putain, c’est nous que ce taré trouve insupportable? On va lui montrer ce que c’est. » 


Cliero eut le regard le plus effrayé du monde. Il sentait les frissons parcourir tout son corps. Son regard ne savait plus sur qui ni où se poser, tel un oiseau que l’on aurait touché en plein vol et qui ne sait trop comment atterrir. Il recula d’un pas. Puis d’un autre.

Scar l’attrapa par le bras: « Ne fuis pas encore! »

Elle était très, très en colère. Mais celle-ci escalada vite à l’expression de terreur qui lui croyait être destiné.

Scar: « Alors voilà…. Toi aussi…. J’ai réussi à t’effrayer… A te repousser… Comme à chaque fois… Mais chasse le naturel, il revient au galop comme on dit… N’est-ce pas…? Je suis tellement désolée… Je ne peux même pas me pardonner à moi-même…. J’ai pas réussi… »

Elle éclatait en sanglots.

Scar: « J’échoue toujours!! »


Cliero, comme à son habitude, resta sans voix. Il était beaucoup trop remué par tout ce qui se passait d’un coup.

Scar s’enfuit.

Cliero se retourna pour faire face aux regards moqueurs et accusateurs de tous les spectateurs. Ce fut pour Cliero comme s’il vit sa vie défiler devant ses yeux à cet instant précis. Il secoua sa tête dans l’espoir de sortir de sa bulle et se concentrer sur ce qu’il voulait faire. Il avait trop longtemps vécu dans la peur. Trop longtemps à se dire qu’il méritait sûrement toutes les mauvaises choses qui lui arrivaient.

Il s’élança à sa poursuite. Il ne cria pas son nom, il avait perdu la voix, comme si cette perte lui offrait de la force dans les jambes. Il la chercha dans toutes les pièces, dans tous les recoins. Au soir venu, il la guetta vers le dortoir des filles, mais il ne la vit pas. Il avait sûrement dû la manquer.


Le lendemain, personne ne s’assit à côté de lui. Les autres le regardaient encore plus comme une bête de foire.


Les jours suivants furent plus tranquilles à sa grande surprise, car tout le monde semblait beaucoup trop occupé dans des messes basses. Mais toujours personne à côté de lui. Il se demandait quand Scar allait revenir.


Deux mois se sont écoulés. Deux mois sans voir, ni entendre parler de Scar. Les moqueries et les coups avaient recommencés. Cliero s’inquiétait de plus en plus. Il décida de sacrifier son précieux sommeil pour partir à la recherche de Scar dans la ville. Sans succès. Il répétait ses nuits à la chercher. 


Au bout d’une semaine, il était épuisé, à bout de forces. Soudain, telle un mirage inattendu, il crut apercevoir Scar. Il se traina péniblement dans sa. Il écarquilla les yeux en voyant qu’elle n’était pas seule. Un grand homme blond aux yeux bleus l’accompagnait. Ils se tenaient bras dessus-bras dessous. Cliero n’en croyait pas ses yeux. Quelqu’un d’autre…? Avec SA Scar…? Puis il vit son doux visage. Il vit un sourire. Un beau et magnifique sourire comme il n’en avait plus vu pour ce qui semblait être des siècles sur ses joues roses.

Le sien par contre se décomposa. Pour la première fois, il sentit quelque chose à l’intérieur de lui. Mais pas cette mystérieuse sensation douce et agréable que l’antérieure présence de Scar lui procurait. Non. C’était quelque chose d’effrayant, de noir, de mort. Comme pour combler cette horrible sensation, Cliero qui s’était sentit vidé d’un coup se remplit ensuite de quelque chose de terrible, et de rouge. La colère. Cette colère qu’il n’a jamais été capable de ressentir. C’est comme si ses intérieurs le brûlaient. Il restait tel un mort vivant tapis dans l’ombre en les regardant s’éloigner en direction des lumières de la ville.

Il grimpa sur sa colline. Il ne s’assit pas. Il avait la tête qui tournait. Il ne se sentait plus lui-même, il avait l’impression de devenir fou.

Cliero: « Comment…. COMMENT….

Comment ai-je pu être aussi stupide… » Finit-il en pleurant.

Il continua son monologue, enchainant les phrases comme si tout son silence explosait au grand jour. 

« Elle était mon trésor… Et je l’ai laissé glisser entre mes doigts… Comme une source précieuse que l’on ne veut pas laisser tomber…

Laisser…. Tomber…. »

Son regard se changea.

« Tu m’avais promis Scar… TU M’AVAIS PROMIS!!! » Il frappa son crâne contre un arbre. « Tu m’avais promis…. Que jamais…. Tu ne me laisserais tomber…. Et tu me parlais comme si c’était moi qui allais le faire… Mais au final… Qui se tient debout à pleurer à la fin? QUI ??? » Il haletait péniblement.

« Je le savais… Elle a dû être dégoutée par moi… Comment ai-je pu être aussi stupide… Pour croire que quelqu’un me veuille du bien… C’est… Incroyable… Comme les plus belles choses du monde peuvent se tourner en cauchemar d’un jour à l’autre, sans crier gare…

TOUT EST DE TA FAUTE!!!!!!

Tout….

Tout est….

Tout est de ma faute…. »

Il s’évanouit.


Il passa ses jours suivants à négliger son sommeil. Il errait seul, au sommet de sa colline à nouveau. Le manque de sommeil et de Scar cognait dans sa tête et dans son cœur tels des tambours infernaux. Il n’était plus lui-même; il s’était abandonné à un amas de noirceur qui parlait pour lui et qui semblait le protéger autour de sa carapace fragile. Qui semblait, en apparences… Mais ce monstre en réalité le consumait peu à peu et l’engouffrait dans une folie et une déraison sans fin.

Les autres ne faisaient pas moins que d’en profiter. Et Cliero pensait le mériter plus que jamais. Les messes basses avaient tout d’un coup cessé. A cause de son état? La question lui effleura l’esprit, mais comme celui-ci était bien trop envahi, elle glissa et s’évanouit aussi vite qu’elle était arrivée

.

Le temps lui paraissait si long. Il était conscient de sa folie, mais c’est comme s’il savait qu’il coulait sans savoir comment nager jusqu’à la surface.

Et si….

Et si Scar n’avait jamais existé ? Se dit il brusquement. Cela avait du sens dans son univers intérieur macabre.

Il se précipita brusquement vers Isabel.

Cliero: « Scar!!! Où est Scar!!! » Cria-il à la fillette. Celle-ci garda son calme. Elle regarda ses amis d’un air interrogatoire puis lui répondit: « Scar? »

Cliero : « Oui, Scar! Une fille toute petite avec des cheveux rouges comme la braise! »

Isabel: « Il n’y a jamais eu personne de ce nom ni de cette apparence ici. »

Cliero n’y croyait pas. « C’est faux! A qui vous en preniez-vous, alors?! »

Isabel: Mais Cliero, il n’y a jamais eu que toi ici.

Cliero en tombait presque à la renverse. Il était tellement mal qu’il était prêt à croire n’importe quoi, qui plus est qui serait plus agréable à entendre.


Cliero: « Qu…..Quoi? »

Isabel: « Mais on savait bien que tu avais un ami imaginaire! On te trouve trop bizarre à cause de ça, à passer tes récréations à parler tout seul dans le vide, à agir comme si quelqu’un était à coté de toi, on pensait même que tu pouvais voir les fantômes! »

Cliero: « Les… fantômes….? Il ne comprenait plus rien. »

Isabel: « Mais c’est pas grave Cliero, je suppose qu’il y a des gens qui doivent être sains et des gens qui doivent être malsains, dans la vie, il faut un peu de tout! » Lui dit-elle d’un air faussement sincère. Cliero n’avait aucun mal à boire ses paroles comme un poison mortel alors qu’il était déshydraté.

Tu imagines ce que serait le monde sans toi? Lui dit-elle. Sans… Tarés comme toi? Il serait tellement plus beau… Il serait…. Parfait! »

Cliero: « …. Tu as sûrement raison… »

Tout le monde s’est rassemblé autour comme si Cliero était un bétail à sacrifier à un quelconque sauveur divin.

Isabel: « Mais tu sais quoi? On va te faire une faveur. Attends-nous ce soir à la colline derrière l’internat, vers 23h. »

Cliero accepta, se disant que, de toute façon, qu’est-ce qu’il risquait de pire que ce qu’il avait déjà enduré.

 

Il se rendit comme demandé à la colline. Ce n’était pas « la sienne », la sienne était plus à côté. Il y avait un lac ici, une grande étendue d’eau dans laquelle on pouvait voir se refléter les étoiles et la lune. Cliero contemplait ce reflet déformé du ciel et lui trouvait un quelconque charme.

Soudain, une main vint attraper son visage. Il espéra que ce soit Scar mais au vu de sa brutalité cette idée s’évanouit très vite. Il avait devant lui une poignée des gens de l’internat, dont les garçons que Scar, ou lui-même suivant les paroles d’Isabel, avait agressé.

Garçon: « On va te faire payer une bonne fois pour toutes, espèce de monstre sur pattes… »

Ils l’attachèrent avec des liens très serrés.


Garçon 2: « Pfff pathétique, il se débat même pas! »

Garçon 3: « Ça nous facilitera la tâche, tu parles! »

Il brandit un coup à Cliero.

« Ça, c’est pour la fois ou tu as clamé haut et fort que tu détestais tout le monde ici, et que c’était un enfer! »


Cliero avait mal, et ces paroles renforçaient ses suspicions sur sa santé mentale. Il savait très bien pourquoi il ne se débattait pas. Il savait ce qu’il faisait.

Garçon: « Tu crois que nous on t’adore peut-être? Regarde-toi, t’es à gerber! Personne voudra jamais de toi, même pas la mort! Tu finiras seul et ça toute ta vie! »


Il lui brandit un autre coup. Puis un autre. Cliero saignait du nez et un bleu commençait à se former à son œil. Il serrait les poings et fermait les yeux. Il gardait encore connaissance.


Garçon: « On sait même pas si t’es un mec ou une meuf sérieux! »

Isabel: Ça, on peut toujours le vérifier…! » Dit-elle en gloussant.


Cliero sentait les miettes de son cœur se serrer. Une larme coula de son coquard. C’est tout ce qui pouvait sortir de lui à ce moment. Il sentait le tissu qui couvrait sa peau caresser ses chevilles. Le vent frais parcourait toute sa peau.


Garçon: « Ahhh ouais…. Trop bizarre… Hahah! »

Isabel: « Euuugh cachez-moi ça c’est trop dégeu! »

« On a qu’à s’tirer! » Décidèrent-ils finalement.


Un des membres coupa un des liens pour que Cliero puisse s’en défaire, sans aucun doute pour pouvoir alléger sa conscience sur le décès qu’aurait amené l’oublier là-bas ligoté par tous les membres.

Cliero S’évanouit. Le lien se défit et il tomba par terre. A la reprise de sa connaissance, il avait du mal à ouvrir ses yeux. Son corps lui semblait aussi lourd que de la pierre, il avait mal de partout. Il toussa.

Cliero: « Scar…. Scar…. »


La première chose sur laquelle son regard s’ouvrit clairement fut un rocher. Un rocher qui avait l’air assez bancal. Plutôt lourd, mais pas assez pour qu’il ne puisse pas être déplacé. Cliero se leva du mieux qu’il put, c’est-à-dire sur ses genoux. Il ouvrit la bouche.

Cliero: « Je ne laisserai rien t'arriver... et que se passe il quand tout m'arrive...? et que c'est toi qui en as provoqué la moitié...? Où est tu maintenant que j'ai si besoin de toi? Où est tu… ? »

Il rampait sur le sol.

« Je te déteste, Scar... je ne te déteste pas pour être trop différente comme tu le craignais, non, je te déteste.... Parce qu’au final, tu es comme tout le monde… 

Si tant bien est que tu aies seulement existé… »

Il empoigna les liens qui étaient restés à côté de lui. Il enroula solidement une extrémité à sa cheville, et l’autre, au rocher. Il regarda l’étendue d’eau qui reflétait une lune plus belle, ronde, et brillante que jamais. Il s’approchait du bord.


Il resta inerte. Il revoyait dans ses pensées le sourire de la jeune fille. Il se revoyait lui. Immobile. Silencieux. Vomissant. Lâche. 

Les larmes coulaient sur ses joues. La culpabilité le rongeait, et il l’avait dissimulé derrière sa haine. C’est lui qui avait tout ruiné, pas Scar. C’est lui qui n’a pas essayé. Qui ne l’a pas apprécié comme il avait dû, pensait-il.

 Il était si étranger au bonheur que lorsqu’il lui est apparu, il l’a ressenti comme une menace. Il était si accoutumé aux brimades qu’il s’était rendu imperméable aux mots doux, comme s’il s’était forgé un bouclier à toutes épreuve. Il était si usé par la dureté que la douceur lui parlait comme s’il s’agissait d’un langage étranger. 

Il n’était plus sûr de rien. Sauf d’une chose. C’était trop tard. 

Il ouvrit la bouche une dernière fois.

« Je vous hais… je vous déteste tous... mais ce ne sera jamais autant.... Que comme je me déteste moi... »


A ces mots il fit rouler la pierre jusqu’à l’eau, et rejoignis ce côté ou la lune lui semblait bien plus belle que dans le ciel.