La lettre de Raphaël


Authors
fuelli
Published
3 years, 4 months ago
Updated
3 years, 4 months ago
Stats
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Chapter 3
Published 3 years, 4 months ago
502

Où Harahel, bibliothécaire du Paradis, apprend qu'il a été choisi pour devenir ange gardien.

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III. Le livre


Cela ne faisait que quelques mois qu’Harahel avait été envoyé sur terre. Raphaël l’avait assigné à un jeune garçon du nom d’Olivier. Olivier Bernard. Né le 22 novembre 1908, il vivait dans un joli appartement parisien avec sa sœur et ses parents, et ne manquait jamais de rien.

Le bébé semblait être naturellement attiré par l'ange. Au début, cela commença par des regards, accompagnés de grands sourires. Très vite, il se mit aussi à tendre ses bras dans sa direction, comme s'il voulait l'attraper... Ou être attrapé. Harahel faisait de son mieux pour n'y prêter aucune attention. Il avait trouvé refuge dans la bibliothèque personnelle du père de famille, Albéric Bernard. Sa collection n'était bien sûr pas aussi complète que celle du Paradis, mais elle était de taille tout à fait acceptable pour un être humain. Harahel prenait grand plaisir à parcourir ses ouvrages politiques et philosophiques.

Un jour, cependant, l'ange trouva sa lecture interrompue par une petite main qui attrapa fermement son manteau. C'était Olivier, qui venait d'apprendre à ramper sur le sol, et en avait immédiatement profité pour rejoindre cette personne étrange qui était toujours là mais semblait toujours l'ignorer. Il avait enfin obtenu son attention ! L'enfant se mit à sourire.

« Qu'est-ce que tu fais ? Retourne dans ta chambre, allez, ouste ! » lui ordonna Harahel en le repoussant de sa main. Mais Olivier ne lâchait pas prise, et voilà qu'en plus de l'ange, il s'accrochait en plus du livre qu'il tenait en main. Harahel tenta de se calmer et d'adopter une approche plus pédagogique.

« Il ne faut pas faire ça, Olivier », continua Harahel. Mais l'enfant, qui avait reconnu son nom, insista de plus belle. Il montrait du doigt le livre, essayant de faire comprendre à l'ange quelque chose... Mais Harahel n'était pas d'humeur à déchiffrer les gestes cryptiques d'un bambin.

Pour ne pas perdre de temps, il jeta à un œil à l'âme de son petit protégé. Tout fut tout de suite très clair : il voulait qu'on lui lise une histoire. Bien sûr. Mais les livres présents ici étaient loin d'être des histoires pour faire rêver les enfants... Bah ! Il s'en contentera. Harahel plaça Olivier sur ses genoux et attrapa le livre le plus court qu'il puisse trouver. Il commença :

— « Un spectre hante l'Europe : le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le pape et le tsar, Metternich et Guizot, les radicaux de France et les policiers d'Allemagne. »

— …

— « Quelle est l'opposition qui n'a pas été accusée de communisme par ses adversaires au pouvoir ? Quelle est l'opposition qui, à son tour, n'a pas renvoyé à ses adversaires de droite ou de gauche l'épithète infamante de communiste ? »

— …

À la fin du premier chapitre, il s'arrêta. Il venait de remarquer qu’Olivier s'était endormi tout contre sa poitrine, apaisé par la douce voix de son frère spirituel.