Once de Mélancolie


Authors
Misical
Published
5 years, 3 months ago
Updated
4 years, 4 months ago
Stats
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Chapter 3
Published 4 years, 8 months ago
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Abelia, maîtresse du domaine de Lekinos, protège et veille sur sa ville depuis des siècles. Elle prend très à cœur sa mission, mais se sent infiniment seule. Sa vie change avec l’arrivée de la Brigade des Morts. Tout comme elle, ses soldats transcendent le temps et elle finit par tissait des liens solides avec eux. Elle ne se doute pas que sa vie va être chamboulée à cause de ses sentiments qu’elle redécouvre.

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Pourquoi douter ?


     La nuit tomba finalement sur le domaine, mais la pluie ne c’était pas calmée et se transforma en orage. Le vent soufflait comme s’il voulait déraciner les arbres, le ciel se déchirait lorsque les éclairs résonnaient entre les nuages. Ce fut dans ce cadre très peu accueillant que Hood rentra enfin à la maison. Le soldat était trempé jusqu’aux os, et en avait assez de cette tempête. Enfin à l’abri dans le manoir, quelques collègues vinrent le saluer. Le jeune homme reprit vite le sourire en les voyants, ravi de retrouver des têtes connues et sympathiques. Ses amis l’invitèrent à aller se changer, le temps qu’on lui prépare une boisson chaude pour le réchauffer après ce séjour sous la pluie. Hood accepta la proposition et fit demi-tour vers les quartiers des soldats de la garnison.

Puisque c’était le milieu de la nuit, pratiquement tout le monde dormait. Il n’y avait que quelques gardes encore debout à faire des rondes autour du domaine et dans le manoir. C’était silencieux, on n’entendait que la pluie s’abattre sur les fenêtres. Hood, enfin changé et rassasié, ne put s’empêcher d’aller dans le quartier des domestiques pour jeter un œil sur sa petite sœur. Cette dernière dormait paisiblement dans un lit douillet, bien au chaud, partageant sa chambre avec d’autres jeunes servantes comme elle. Le soldat sourit, puis referma la porte sans bruit. Il n’allait pas réveiller sa jeune sœur, il lui ferait la surprise de son retour demain matin. Mais c’était plus fort que lui, il avait besoin de s’assurer qu’elle allait bien avant de pouvoir trouver le sommeil à son tour. Seulement, avant de se coucher, il avait encore quelqu’un à voir.

Il en avait fait la promesse : il devait aller saluer Abelia à chaque fois qu’il revenait. Peu importe l’heure et l’endroit où elle se trouvait, il avait promis de le faire, et il devait renouveler cette promesse à chaque départ, comme si la Dame du domaine n’arrivait pas à se convaincre qu’il lui reviendrait toujours.
Devant sa chambre, le soldat essaya d’arranger un minimum ses cheveux mouillés, puis il frappa à la porte. Il fut surpris de n’entendre aucune réponse. Abelia avait pourtant le sommeil assez léger et se serait réveillée immédiatement. Il n’entendait pas la jeune femme, mais il entendait si bien la pluie qu’il avait l’impression que cette dernière se déversait dans la chambre. Perplexe, il préféra ouvrir la porte plutôt qu’attendre une réponse qui ne venait pas.
La chambre était totalement vide, et la porte du balcon ouverte. Avec le vent de la tempête les papiers et les lettres sur la table basse avaient volés partout dans la pièce. Hood y entra précipitamment, constatant qu’Abelia ne lui faisait pas une farce en se cachant quelque part. Il examina la salle, se rendant compte qu’il n’y avait aucune trace de lutte. Le jeune homme avança jusqu’au balcon, passant sous le rideau de pluie, observant au loin. Il aperçut une silhouette blanche cachée entre les buissons au fond du jardin. Il ne réfléchit pas plus longtemps et sauta par-dessus la rambarde pour atterrir deux étages plus bas. Il se mit à courir, ignorant totalement la douleur de ses chevilles, tout en activant son pouvoir de régénération. Si sa Dame était réellement en danger, chaque seconde était précieuse.

Sa course s’arrêta progressivement, lorsqu’il se rendit compte que cette femme était effondrée près de l’arbre : il pouvait même l’entendre pleurer. Elle ne semblait pas blessée physiquement, ni s’être battue pour avorter une tentative d’enlèvement. Il reprit son souffle, à nouveau trempé par la pluie, la regardant désespérément sans pouvoir comprendre la situation :

— Abelia !

Cette derrière releva la tête, captant le regard de Hood, avant de cacher son visage dans ses mains et de se réfugier derrière son arbre. Tout comme lui, elle était trempée. Sa robe et sa cape couleur crème avaient terni à cause de l’eau, et le tissu semblait vouloir fusionner avec sa peau. Le soldat avait même cru voir ses lèvres être bleues tellement elle avait froid. Combien de temps était-elle restée sous la pluie, à pleurer ? Le jeune homme força le pas et attrapa sa Dame par les bras pour l’empêcher de le fuir à nouveau.

— Non ! Lâche-moi ! hurla-t-elle.
— Hors de question ! On doit rentrer !
— Non !

C’était la première fois qu’il la voyait autant dévastée, et il avait mal de la voir ainsi. Elle se débattait, mais il tint bon et ne la lâcha sous aucun prétexte. Malheureusement, il n’arrivait pas à la résonner pour la faire rentrer.

— Mais qu’est-ce qu’il t’arrive à la fin ?! Tu es folle de partir comme ça ! J’ai cru qu’on t’avait kidnappé !
— Va-t’en ! Je ne veux pas… ! Je ne veux pas que tu me vois dans cet état !
— C’est trop tard ! Maintenant tu vas tout me dire !
— Lâche-moi ! Je t’en prie, lâche-moi !
— Jamais !

Il resserra son emprise sur elle, et l’attrapa pour finalement la blottir contre lui. Il l’enlaça, s’assurant qu’elle ne s’échapperait pas. Elle tenta de se débattre encore une fois, de se retirer, mais elle perdait progressivement ses forces, avant de finalement abandonner et pleurer contre lui. Il la garda un moment, sous la pluie, caressant ses cheveux pour la consoler. Le soldat glissa un bras sous ses jambes pour la porter dans ses bras et rentrer au manoir sous le regard surpris des gardes…

Hood ramena la belle dans sa chambre et la déposa sur son lit avant de fermer toutes les portes. Il fouilla dans ses placards avant de lui jeter une nouvelle robe, pour qu’elle se change et ne prenne pas froid. Il lâcha un long soupire agacé. Voilà qu’il était à nouveau trempé. Il était bon pour se changer aussi, mais pas avant d’avoir fini cette histoire. Il plaqua ses cheveux mouillés en arrière, avant de jeter un regard vers sa Dame. Cette dernière n’avait pas bougé, tenant simplement le vêtement qu’il lui avait lancé dans les mains.

— Tu préfères que je me tourne ou que je sorte pour te changer ?

Elle ne répondit pas, comme si elle ne voulait pas l’écouter, ou plutôt, comme si elle ne l’avait pas entendu. Elle garda la tête bien basse, évitant avec soin de croiser son regard. Hood, légèrement irrité, s’avança jusqu’à elle en la regardant de haut, le ton légèrement menaçant :

— Change-toi, sinon c’est moi qui le fais. Tu as un rôle à tenir, tu te souviens ? Tu ne dois pas tomber malade.

Il vit le corps d’Abelia s’affaissait un peu plus, les épaules tremblantes, et de nouvelles larmes couler… à moins que cela ne soit les gouttes de pluies qui dégoulinent de ses cheveux. Le soldat ne savait pas comment réagir, c’était la première fois qu’il la voyait pleurer, qu’il la voyait aussi désespérée. Plutôt qu’exécuter sa menace, il se mit à genoux devant elle, pour être enfin à son niveau et croiser ce regard blanc qui n’arrêtait pas de le fuir.

— Vas-tu enfin me parler ? Que se passe-t-il ?
— Sors d’ici, laisse-moi, dit-elle enfin entre deux sanglot et en détournant la tête.

Hood perdit patience. Il serra les dents et lui attrapa les joues pour la forcer à le regarder :

— Hors de question ! Je ne t’abandonnerai pas alors que tu es dans cet état. Je resterai toute la nuit s’il le faut. Je resterai jusqu’à que tu parles.

La Dame ferma les yeux, soulagée par ses paroles. Le jeune homme lui essuya les yeux avec ses pouces, plus pour le geste que pour la sécher réellement. Il attendit qu’elle s’ouvre à lui, mais elle ne savait pas par quoi commencer. Finalement, elle lui montra sa table basse avec toutes ses lettres. Hood se releva et s’y dirigea, ramassant les feuilles qui s’étaient envolés au passage. Abelia lui précisa l’apparence du sceau, pour qu’il retrouve la lettre plus facilement. Pas d’erreur possible, c’était le sceau du domaine, de la famille d’Abelia, celle qui était mise à l’écart. Hood prit donc le temps de la lire, avant d’apprendre la mauvaise nouvelle.

La dernière fille Laeth, qui devait être prochainement mère, venait de faire une fausse couche et de perdre son enfant.

Hood eut du mal à encaisser la nouvelle et préféra relire la lettre plusieurs fois pour être sûr, mais il n’y avait pas de malentendu. Il se retourna vers Abelia, celle-ci avait enfouit son visage dans ses mains. Il revint vers elle, doucement, se laissant tomber à genoux devant elle, avant de la prendre dans ses bras. Elle se laissa enlacer, même bercer par lui, alors qu’elle ignorait s’il comprenait réellement son ressenti…

— Mon rôle tu dis… ? Mais mon rôle… n’est-il pas d’être auprès de ma famille ? Ne devrais-je pas être là-bas, pour les soutenir alors qu’ils ont perdu leur enfant ?! Qu’est-ce que je fais ici… ?! À quoi bon… !
— Tu les protèges bien plus en restant ici.
— Mais à quoi sert cette protection s’ils souffrent ?!

Elle le repoussa, s’extirpant de son emprise pour se relever et s’éloigner de quelques pas, gardant le dos tourné. Le soldat resta un genou à terre, l’air navré puisqu’il ne parvenait pas à la calmer.

— Je comprends que cette situation te mette dans cet état, mais calme-toi. Si tu vas à leur rencontre, tu briserais des années d’efforts. Tu peux leur manifester ton soutient avec des lettres…
— Des lettres ?! répéta Abelia en se retournant, plus furieuse que malheureuse. Ce n’est pas de lettres dont ils ont besoin, ce n’est pas d’isolement non plus ! Comment peux-tu être aussi froid ?! Tu ne comprends donc pas ?! Ils ont perdu leur enfant ! Leur bébé ! C’est le pire des malheurs ! Et si… Et si jamais elle ne pouvait plus donner naissance ? Jamais elle ne pourrait être mère alors que c’est ce qu’elle désirait ! Comment veux-tu que je… ! Comment veux-tu que je reste calme et sagement assise ici !

Instinctivement, elle posa sa main sur son ventre et plaqua l’autre sur sa bouche pour détourner la tête et étouffer ses sanglots. Hood se releva, silencieux. Il s’approcha lentement et l’enlaça une nouvelle fois. Abelia le repoussa aussitôt mais il força sur ses bras pour la garder contre lui.

— Lâche-moi ! Tu ne comprends rien !
— Je crois que je commence à comprendre justement, mais je ne peux pas te laisser partir. Tu le sais aussi, c’est pour ça que tu n’as pas réussi à quitter le domaine et que tu es restée sous la pluie à te tourmenter pour savoir quoi faire. Tu sais très bien que tu ne dois pas. Allons Abelia…

Il desserra ses mains et tendit les bras pour la maintenir droite devant lui et la regarder dans les yeux. Elle le fixa longuement, puis baissa le regard car elle savait qu’il avait raison. Il poursuivit :

— Comment se fait-il que tu te mettes dans un état aussi chaotique ? Tu es pourtant bien calme lorsqu’on t’annonce un décès. Tu es évidement triste, mais tu gardes ton sang-froid et tu leur présentes tes condoléances. Alors pourquoi ? Parce que c’est un bébé ? Ou y a-t-il autre chose ?

Abelia retient sa respiration pour éviter d’éclater en sanglot une nouvelle fois. Hood tâtait le terrain et il commençait à viser juste. Finalement, peut-être qu’il la comprenait réellement…
Face à son silence prolongé, Hood s’impatienta. Pour l’encourager à parler, il lui releva le menton et lui fit son plus doux sourire. La jeune femme le regarda dans les yeux, silencieuse, clignant des yeux pour laisser échapper ses dernières larmes.

— Parle-moi Abelia, je suis de ton côté.

Doucement, il retira ses mains, la libérant de son emprise pour qu’elle se sente plus libre dans ses mouvements. Malheureusement, elle baissa une nouvelle fois la tête et retourna s’asseoir sur son lit, faisant signe au soldat de venir s’installer à côté d’elle. Ce dernier s’exécuta sans rien dire, ne voulant pas la couper dans son élan.

— Oui… Tu as vu juste. Ce bébé… Cette nouvelle me bouleverse bien plus qu’il ne le faut. Bien sûr, je me sens déchirée lorsqu’un membre de ma famille nous quitte, mais je me suis faite une raison ; c’est la vie, c’est ainsi. Je me console en me disant qu’il aura vécu longtemps, en bonne santé et en sécurité. Qu’il aura écrit sa propre histoire, qu’il aura rencontré des gens… avec qui il se sera disputé, qu’il aura aimés, avec qui il se sera séparé, puis qu’il aura retrouvés… Je me dis qu’il aura vécu une longue vie, dont il n’aura pas le moindre regret. Le chagrin, la douleur, la peur, c’est à moi de la porter, c’est mon rôle.
— Tu…

Mais Hood n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’Abelia posa ses doigts sur ses lèvres pour le faire taire. Elle voulait terminer avant qu’il ne fasse le moindre commentaire. C’était la première fois qu’elle se confiait sur ses réels sentiments, sur ses réelles craintes. Elle voulait aller jusqu’au bout.

— Je vis depuis longtemps. Le chagrin ne s’oublie pas, il ne s’efface pas non plus… mais il s’atténue avec le temps. Je porte le deuil de ma famille, de toutes ces générations que je vois éclore, fleurir puis flétrir. Ce qui me permet de tenir debout, c’est de savoir qu’ils vivront.

Hood était assez ému de l’entendre parler de sa famille avec autant de bienveillance et de courage. Abelia essuya ses nouvelles larmes du dos de la main, pour essayer de se donner du courage et de poursuivre.

— Ce petit… ce tout petit… qu’aura-t-il vécu ? Dans un sens… Il n’aura pas de regret, puisqu’il n’aura même pas eu le temps de naître. Seulement… Cela me donne l’impression que ma famille se meurt. Pour moi, une naissance, c’est un bonheur, c’est une merveille, c’est le plus beau des cadeaux. Mais ce cadeau, on nous l’a repris. Tout ce que j’espère, c’est que Brise puisse s’en remettre…
— Elle fait partie de ta famille, je suis certain qu’elle est aussi forte que toi. Elle s’en relèvera, soit sans crainte, assura le soldat.

Abelia lui adressa un sourire, mais celui-ci se fana aussitôt tout en détournant le regard.

— Ce n’est pas tout… J’ai… une autre peur qui me ronge depuis des siècles. Elle s’est logée dans mes entrailles et n’en sort plus. Elle étouffe le plus petit des désirs que je pourrais éprouver…

Le rythme cardiaque de Hood s’intensifia. Une peur qu’elle cache depuis des siècles ? Et il serait le premier à l’entendre avouer ? Il était à la fois excité de connaître ce secret et en même temps infiniment inquiet pour elle.

— Et si… Et si je ne pouvais pas avoir d’enfants ?

Abelia tenait ses mains sur ses genoux, la tête basse et s’enfermant dans un profond silence après cette révélation. Le jeune homme ne fit aucun commentaire, ni aucun geste. Il comprenait désormais pourquoi elle avait eu cette réaction. Elle s’était projetée dans cette fameuse Brise. La perte prématurée d’un être cher, en plus d’être une fausse couche, avait totalement brisé Abelia. Elle voyait sa précieuse famille disparaître, lui renvoyant l’image d’une femme stérile, ne pouvant plus rien perpétuer.
Hood passa une main sur l’épaule de la Dame pour venir la blottir contre lui. Elle se laissa faire, ne voulant plus lutter. Il lui caressa les cheveux, tendrement.

— « Et si » ? Tu en doutes ? Pourquoi douter ? Tu feras de très beaux enfants !
— Ce n’est pas parce que je suis indisposée chaque mois que cela signifie que je pourrais tomber enceinte ! dit-elle, le plus sérieusement du monde tout en se détachant de lui. Et puis même, je n’ai personne, qui voudrait de moi ?

Cette parole lui échappa, car à l’instant où elle la prononça, elle pensa à Karnak. Hood lui-même leva un sourcil tout en ayant un sourire en coin significatif.

— Pleins d’hommes voudraient de toi.
— Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire… !

Agacée, Abelia se releva pour lui tourner le dos en croisant les bras. Le jeune homme garda son sourire. L’atmosphère tendue était légèrement retombée et il espérait vraiment réussir à la faire disparaître.

— C’est pourtant ce que tu as dit ! À moins que tu ne penses qu’aucun homme ne pourrait t’aimer lorsqu’il aurait vu ton vrai visage ?

Outrée, elle se retourna pour le fusiller du regard. Il avait vu juste, c’était totalement ce qu’elle pensait ! Amusé, Hood se leva à son tour pour lui faire face. Il s’avança d’un pas et posa délicatement sa main sur sa joue.

— J’ai vu toutes les facettes de ta personnalité. De la plus capricieuse à la plus courageuse. J’ai beaucoup de respect pour toi. Je suis sûr que tu t’es trouvée pitoyable sous la pluie tout à l’heure ? Ce n’était pas mon cas. Je n’ai vu qu’une femme anéantie, et c’est ton droit de ressentir ce genre d’émotion. Tu ris, tu pleures, tu es vivante et tu es fière. Quel genre d’homme ne tomberait pas sous ton charme ?

La Dame se mordit la lèvre inférieure tout en retirant la main du soldat. Elle sentait son cœur se serrait. Ce soir, elle subissait beaucoup trop d’émotions et elle ne savait plus comment les gérer. Entendre l’homme qu’elle aime lui dire que personne ne pourrait lui résister lui donnait un espoir, mais lui faisait peur également. Elle lui avait avoué ses peurs, mais elle n’était certainement pas prête à lui avouer ses sentiments pour lui.
Elle détourna la tête, encore un peu contrariée :

— Ne soit pas aussi attentionné… s’il te plait.

Hood cligna des yeux, sans comprendre.

— Pardon ? demanda-t-il.
— Ne soit pas aussi respectueux, d’habitude tu fais le pitre !
— Oh… Vous voulez dire que ma Dame souhaite que je la prévienne à chaque retour de mission, mais que je garde également mes distances ?
— Hood !
— J’essaie de te comprendre. Pourquoi tu ne veux pas que je te console ? Tu préfères que j’appelle Karnak ou Cian ?
— Non ! s’écria-t-elle, à bout de souffle.

Le soldat la regarda. Il faisait de son mieux pour l’aider, mais là, il ne la comprenait plus du tout. Ils étaient si proches il y a quelques instants, pourquoi mettait-elle tout à coup de la distance entre eux ? À moins qu’il n’en demandait trop et qu’elle avait besoin de repos ? Après tout, elle devait être exténuée.
Et elle était effectivement épuisée. C’était le chao total dans sa tête. Elle avait dit tellement de choses à Hood, et en même temps, craignait de trop parler. Elle ne voulait pas qu’il sache qu’elle l’aimait. Elle n’était pas prête à entendre sa réponse, pas ce soir. Mais elle ne voulait pas non plus qu’il la quitte. Était-ce si égoïste de sa part ?

— Je… je suis fatiguée.
— Tu devrais te changer et te coucher, suggéra-t-il.

Elle releva la tête vers lui, presque suppliante de ne pas l’abandonner. Seulement, elle baissa les yeux tout en se résolvant à l’idée qu’elle lui en demandait trop.

— Je monterai la garde, je serai juste à côté, tu n’auras qu’à m’appeler si tu ne te sens pas bien.

La Dame approuva de la tête, résignée, puis le soldat tourna les talons pour sortir. Refermant la porte, il prit appuie sur cette dernière et se laissa doucement glisser au sol. Il lâcha un long soupir tout en se mettant la main sur les yeux, fatigué à son tour. Hood resta songeur, ressassant ce qu’il venait de se produire…
Abelia avait donc peur d’être stérile ? Peur que sa famille ne s’éteigne et qu’elle en soit l’unique représentante ? Il pouvait la comprendre, même s’il ne s’était jamais posé la question pour lui-même. Et puis, en la découvrant ce soir, il se rendit compte à quel point cela devait être pesant de vivre loin, isolé des siens. Lui, il avait bien une grande sœur qui était partie faire sa vie ailleurs, mais il avait toujours eut Myomu à ses côtés. Il n’avait donc jamais souffert de ce manque et réalisait seulement maintenant combien c’était difficile à supporter. Pas étonnant qu’elle se mette à chouchouter ses servants et à tous les considérer comme ses enfants, c’était sûrement une façon pour elle de se préserver. Plus il y songeait, plus il trouvait Abelia admirable. Ses faiblesses ne faisaient que la rendre plus forte. Il savait qu’elle surmonterait cette épreuve, comme elle avait pu surmonter toutes les autres. Il ne s’en faisait pas pour elle. Une bonne nuit de repos, et tout irait pour le mieux demain matin.