Once de Mélancolie


Authors
Misical
Published
5 years, 3 months ago
Updated
4 years, 4 months ago
Stats
6 12575

Chapter 5
Published 4 years, 6 months ago
1283

Abelia, maîtresse du domaine de Lekinos, protège et veille sur sa ville depuis des siècles. Elle prend très à cœur sa mission, mais se sent infiniment seule. Sa vie change avec l’arrivée de la Brigade des Morts. Tout comme elle, ses soldats transcendent le temps et elle finit par tissait des liens solides avec eux. Elle ne se doute pas que sa vie va être chamboulée à cause de ses sentiments qu’elle redécouvre.

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Est-ce que vous l’aimez ?


     La journée avait été longue et pénible pour Abelia, mais personne n’avait fait mention de ce qui c’était passé hier soir. Sûrement que Hood avait su convaincre les gardes de se taire et de ne pas ébruiter ce qu’ils avaient vu. C’était ce qu’elle voulait, car elle n’aurait pas eu d’excuse à leur fournir et elle n’avait clairement pas envie de leur révéler la vérité. Surtout qu’elle ne voulait pas inquiéter ni ses hommes, ni Cian, ni Karnak. Elle leur faisait confiance bien évidement, mais comment leur expliquer qu’elle avait perdu pied car la nouvelle de sa famille la confrontait à ses propres peurs dont ils n’en avaient aucun soupçon. Le seul à savoir était Hood, son soldat dissident. Un secret qu’elle avait tu depuis bien des siècles et qu’elle avait tenté d’enfouir au plus profond d’elle. Peut-être qu’à force de le cacher, il avait ressurgit comme un diable en boîte à cause d’une trop grande émotion. Ce n’était jamais bon de tout garder pour soi, c’était le conseil qu’elle donnait pour réconforter ceux qui allait au plus mal. De précieuses paroles qu’elle n’appliquait pas pour elle-même, quelle ironie.

La Dame était debout devant la fenêtre de son bureau, à regarder l’horizon grise et encore pluvieuse. Le temps était bien plus calme que cette nuit, et les gouttes tombantes sur la pelouse et les feuilles des arbres sonnaient comme une berceuse. Elle ouvrit la porte du balcon, laissant entrer l’humidité du ciel. La brise lui rafraîchit le visage, lui donnant par la même occasion l’impression de se vider l’esprit.

Il fallait oublier cette nuit.

Oublier tout, ces peurs, ces angoisses, ces larmes… mais également ses paroles, ses attentions, ses caresses, sa douceur, son étreinte, son odeur…
Abelia leva les yeux vers ses nuages gris, pensive. Elle n’avait pas envie d’oublier ce qu’il c’était passé avec Hood. Malgré sa profonde détresse, il avait tenu à rester auprès d’elle jusqu’à ce qu’elle se calme. Il l’avait consolé, il l’avait prise dans ses bras. Tandis qu’elle avait l’impression qu’elle abandonnait sa famille, lui, il ne l’avait pas abandonné elle. Elle posa sa main gantée sur son cœur, le sentant battre la chamade à nouveau. La jeune femme avait l’impression qu’il allait se déchirer en deux, séparant sa tristesse et sa joie, ne sachant plus quel morceau choisir. Mais cette fois elle en avait la certitude ; elle était sincèrement amoureuse de cet homme qui l’avait soutenu.

L’on frappa à sa porte, ce qui la sortit de ses pensées. La Dame se retourna, autorisant la personne d’entrer : ce n’était autre que Myomu qui lui apporta du thé bien chaud.

— Bonsoir ma Dame ! Je vous apporte une petite boisson pour vous réchauffer ! Oh mais, ne laissez pas la porte ouverte, vous allez attraper froid ! dit la servante, tout en déposant son plateau sur le bureau.
— Ne t’en fais pas, je viens à peine de l’ouvrir… J’avais besoin d’air frais.

La jeune femme referma la porte du balcon et vint s’installer à son fauteuil où elle prit délicatement sa tasse préférée. Elle la tenait à deux mains, se réchauffant le bout de ses doigts par la même occasion, et profitant de la douce odeur du thé. Myomu vint s’installer sur un tabouret juste à côté d’elle, ayant très envie de faire la conversation.

— Nous ne nous sommes pas beaucoup vu aujourd’hui, commença la jeune fille rousse.
— Il est vrai. Tout le monde était bien occupé. Karnak m’a déjà fait son rapport concernant cette nuit, un barrage a failli céder et il a dû mobiliser plusieurs gardes et citoyens pour éviter une catastrophe. Il souhaitait que je l’excuse d’avoir pris cette initiative sans mon consentement… C’est ridicule ! Au contraire, je l’ai remercié. Sans sa lucidité et sa rapidité, une partie de la ville serait sûrement inondé en ce moment même. Tout le monde a passé la journée à le féliciter et le remercier, mais il n’a fait que répondre humblement que c’était son devoir. Vraiment, il est incorrigible… finit-elle par dire dans un tendre sourire.

Myomu n’en avait pas raté une miette. Évidemment, on lui avait déjà fait part des exploits de Karnak, et elle comprenait également pourquoi la nuit avait été aussi calme au manoir pour que son frère puisse consoler leur Dame sans se faire déranger. Mais surtout, la jeune fille regardait le visage d’Abelia s’illuminait lorsqu’elle parlait du chef de brigade. Était-ce de l’amour ou une profonde affection ?

— Est-ce que vous l’aimez ?

Abelia tourna un regard surpris vers sa petite servante et cette dernière s’empourpra en plaquant ses mains sur sa bouche. Cette question lui brûlait tellement les lèvres qu’elle lui avait échappée sans même pouvoir la retenir. La jeune femme reposa sa tasse en souriant :

— J’ai beaucoup de respect et d’affection pour lui, oui… Mais je ne ressens pas la même chose que lui pour moi. Je me suis rendue compte que j’en aimais un autre.
— Un autre ?! s’empressa la petite, bien trop impatiente de savoir.
— Oui, fit Abelia presque en riant, je peux bien te le dire à toi, puisque tu m’as démasqué avant même que je ne m’en rende compte ! Il s’agit bel et bien de ton frère.

La fillette ouvrit la bouche dans un grand sourire, mêlé à la joie et la surprise. Elle ne c’était pas trompé alors, et pour personne ! Elle avait vu clair dans leur jeu à tous les deux ! Maintenant qu’elle savait qu’ils s’aimaient l’un l’autre, il fallait les pousser à se confesser ! La jeune fille allait voir naître une véritable histoire d’amour et elle en était folle de joie !

— C’est merveilleux ma Dame ! Enfin non, pas pour ce pauvre Karnak, mais on le consolera ne vous en faites pas ! Je suis si contente pour vous ! Il paraît qu’aimer est la plus belle chose qui soit !
— Je pense que tu as lu trop de romance…
— Arrêtez avec mes lectures ! Je suis certaine de ce que je raconte ! Qu’allez-vous faire maintenant ? Vous confessez ?
— Je… je ne sais pas encore… Je ne sais pas non plus comment l’avouer à Karnak. Je n’ai pas envie de le blesser. Même si je ne lui rends pas son amour, je ne veux pas le faire souffrir…
— Si vous voulez mon avis, je pense qu’au fond de lui, il savait déjà que vous aviez choisi mon frère…
— Ce n’est pas une raison pour le laisser sans réponse. Il faudra bien que je lui parle et que je sois sincère avec lui, sinon je ne serai pas digne de sa confiance.
— Oui ! C’est ce que vous m’avez toujours enseigné ! Ne vous en faites pas, je suis persuadée que vous trouverez les bons mots et qu’il comprendra !

Abelia sourit à sa petite servante, touchée de voir que cette dernière l’encourageait, peu importe les choix qu’elle faisait. C’était tellement agréable de se sentir soutenue, et cela lui redonna courage pour affronter ce qu’elle devait accomplir.