N'aie pas de regret


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Chapter 5
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La princesse Éclat et ses compagnons poursuivent leur route à travers la région de Montfran et tombent sur la ville de Maygate. Ses habitants sont régulièrement victimes des attaques de dragons et accueillent très mal l'arrivée de nos voyageurs. Fort heureusement, le comte Edmund intervient et les invite dans son château. La princesse accepte son hospitalité uniquement pour pouvoir enquêter sur ce dragon, car il est inconcevable pour elle qu'il attaque une ville sans raison...

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Il était grand.
Sa sombre silhouette se fondait dans la nuit sans lune, cachant la faible lumière des étoiles. Le sol tremblait sous ses pas, au fur et à mesure qu’il s’approchait de la salle. Plus un son ne fuitait de la pièce. Chacun attendait, pétrifié par l’angoisse. Quand son immense tête traversa la fenêtre, les derniers doutes s’envolèrent et avec eux, l’espoir de fuite. Deux yeux verts, chacun de la taille d’une soucoupe, s’attardèrent lentement sur les convives présents.

— Regret, murmura Lune.

Éclat s’accrocha un peu plus à son bras. L’horreur passée, Arlette et les autres s’étaient empressés de rejoindre leur princesse. Firmin avait dégainé son arme pendant que Kalika et Carsius se mettaient en position défensive.

— Que signifie tout ceci ! s’écria Éclat.

Elle tremblait mais faisait son possible pour que sa terreur ne s’entende pas dans sa voix.
Edmund s’esclaffa.

— Je vous avais dit que votre projet était sans espoir de réussite ! Les dragons sont des créatures dangereuses mais en plus, ce sont de formidables investissements !

Carsius ne put retenir un soufflement dédaigneux.

— Encore un partisan de « tout est bon dans le dragon », lâcha-t-il.

Ignorant la remarque, Edmund reprit :

— Leurs écailles, leurs cornes et même leur viande ! La moindre parcelle de ces créatures vaut une petite fortune ! Voulez-vous vraiment priver vos sujets de ces revenus ?
— Cet argent provient du sang d’êtres innocents ! s’exclama Éclat.
— C’est bien ce qui me semblait, se désola le comte. Vous êtes une idéaliste ! C’est bien dommage, vraiment.

En réponse à sa tirade, le dragon noir poussa un long gémissement. La princesse frémit.

— Le dragon noir, s’efforça-t-elle de comprendre. C’était vous.
— Évidemment ! Il fallait entretenir la peur des dragons ! Et pour cela rien de tel… qu’un dragon ! C’était tout simple mais il fallait y penser !

Éclat vacilla. Elle se sentait dépassée par les événements. Confiant, Edmund déambulait sous les yeux émeraude de sa créature.

— Cela fait plusieurs années maintenant que j’ai connaissance de votre projet, reprit-il. Cela ne m’enchante pas, comme vous pouvez l’imaginer. Et je ne suis pas le seul à penser ainsi ! Donc, je pense qu’il est temps pour vous de vous arrêter !
— Que comptez-vous faire ? Me tuer ? cracha la princesse.
— Voyons ! Bien sûr que non ! Je ne suis pas un meurtrier ! Mes conditions sont simples : je veux que ce lieu, votre « terre de paix », soit détruit et que la traque des dragons devienne officiellement légale !

Éclat pâlit. Ce fut Lune qui posa la question qui les taraudait tous :

— Et sinon quoi ?
— Sinon ? La princesse restera avec moi, sous la garde de mon dragon.
— Vous pensez réellement que mon frère va accepter ? s’écria la jeune femme. À l’instant où il apprendra ma situation, il enverra l’armée à mon secours !
— Sauf s’il souhaite que vous restiez en vie. Au moindre signe hostile de sa part, je vous tue. Enfin pas vraiment : disons qu’un dragon particulièrement dangereux risque de vous trouver très à son goût.

Elle déglutit difficilement.

— Vous… vous ne pourrez pas vous en sortir, bredouilla-t-elle.

Mais elle avait conscience qu’en disant ces mots, c’était elle-même qu’elle s’efforçait de convaincre. Satisfait, Edmund fit claquer ses mains, les faisant tous sursauter.

— En revanche, mon « offre d’hospitalité » ne s’applique qu’à la princesse et à ses suivants, précisa-t-il.
— Que voulez-vous dire ?

Il poussa un long soupir, comme déçu de la question.

— N’est-ce pas évident ? Je vous l’ai dit : les dragons ne sont que du gibier.

Presqu’aussitôt, les invités encore présents vidèrent les lieux pour laisser la place à des hommes armés. Le petit groupe se resserra, Éclat en son centre. Avant d’avoir pu esquisser le moindre geste, les trois dragons se retrouvèrent chacun avec une lance sous le menton. Kalika gronda mais les soldats maintinrent leurs positions.

— Non ! s’écria Éclat. Arrêtez !
— Sortez là d’ici et tuez les autres, ordonna le comte d’un ton détaché.
— NON !

Un éclair de lumière pure fendit l’air. Aveuglés, les soldats se protégèrent les yeux en hurlant.
Ce fut leur erreur.
Profitant de l’ouverture, les trois dragons abandonnèrent leur forme humaine et se jetèrent sur les hommes. Firmin prit place devant Éclat, encore auréolée par sa magie, prêt à éventrer le premier qui s’approcherait un peu trop.
C’est à ce moment-là que le dragon noir entra en scène.
Comprenant qu’il était en train de perdre son avantage, Edmund avait lancé son plus gros atout dans la bataille. La créature entra en rugissant, détruisant les murs de pierre au passage.
Éclat cria en entendant les débris tomber autour d’elle. Électrisé par le cri, Lune se jeta en avant de son ennemi. Ses imposantes mâchoires claquèrent à quelques centimètres du cou du noir, puis il fut repoussé par un violent coup d’épaule. Grondant, il attaqua de nouveau, visant la chair tendre du cou. Mais son ennemi esquiva et le combat reprit de plus belle.
Poussée par Arlette, Éclat se réfugia dans un coin encore intact.

— Que se passe-t-il ? gémit la jeune femme.
— Les dragons combattent !
— Décris-moi la scène !
— Kalika et Carsius font face à une dizaine de soldats ! Non ! Une trentaine ! Il ne cesse d’en arriver ! Quant à Lune, il combat le dragon noir ! Il s’en sort plutôt bien, cependant…
— Quoi ?! Cependant, quoi ?!

Elle l’entendit soupirer.

— Le dragon noir est beaucoup plus gros, expliqua la suivante. Je… j’ai peur qu’il ne se fatigue avant lui.

Éclat serra les dents. Si sa magie lui avait permis de créer une diversion plus tôt, elle ne voyait pas comment elle pourrait être utile à ses compagnons à l’heure actuelle. Elle se sentait terriblement vulnérable et ce sentiment la révulsait.

— Arlette ! s’écria-t-elle au bout d’un moment. Le dragon noir est contrôlé par son maître, c’est bien ça ?
— Euh… oui. Enfin je crois.
— Et ce maître est Edmund.
— Il y a fort à penser que oui.
— Où est-il maintenant ?

Elle attendit que la suivante balaye la salle du regard, fébrile.

— Là ! Je le vois ! Il est près de la fenêtre !
—Très bien. J’ai une idée.

Tachant d’oublier les cris de rage qui résonnaient autour d’elle, elle expliqua rapidement son plan. Firmin et Arlette ouvrirent des yeux ronds.

— C’est de la folie ! s’exclama la suivante.
— Ça peut marcher, rétorqua le soldat.

Éclat hocha la tête. Son idée était dangereuse, elle le savait.
Mais, hélas, c’était la seule chance qui leur restait.